Po Ma, premice de la RC4
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Po Ma, premice de la RC4
La tragédie de la RC4
Le raid sur PO MA
Le 24 Septembre, c’est notre raid sur Po Ma, 12 km au Nord Est de That Khé, prés de la frontière de Chine. Il s’agit de voir si les Viets sont bien là, de donner un coup de pied dans la fourmilière. Le départ se fait dans la nuit du 23 au 24. Le 8ème R.T.M.(un bataillon de marche, rappelons le) et le 11ème Tabor progressent sur la piste et occupent les points forts de part et d’autre de la route et assurent le recueil. Puis le B.E.P. suivi du 1er Tabor les dépassent et d’un pas rapide, atteignent la cuvette de Po Ma. Je suis en tête avec le groupe de partisans du B.E.P.**, suivi par le Lt Faulques avec son peloton d’élèves gradés.
Le jour se léve à peine quand Hoï stoppe brusquement le groupe : devant nous et sur notre droite, une assez grande paillote. On l’encercle en silence, puis on y fait irruption. Ce n’est pas une simple habitation : sur un long bat-flanc se dressent une douzaine de bo doïs, qui, ahuris, lèvent les bras devant nos armes braquées. Pendant que le peloton nous dépasse pour aller plus loin à la découverte, nous faisons rapidement l’inventaire de notre prise : des armes, mais surtout un télémétre chinois et une sacoche bourrée de documents. Parmi nos prisonniers, malgré l’absence habituelle de’insignes de grade, à l’évidence un officier.
Un peu plus loin des rafales claquent : c’est le peloton qui vient de surprendre l’escorte d’une colonne de coolies transportant du riz et des munitions d’artillerie. Rapidement, c’est un feu nourri qui se déclenche dans toute la cuvette de Po Ma. Toutes les compagnies du B.E.P. et les Goums qui derrière nous avaient divergé vers leurs objectifs sont pris durement à partie et ripostent vigoureusement.
Le jour est maintenant levé et les collines qui nous entourent se couvrent de bo doïs, qui mettent des armes lourdes en batterie et entament aussi une manœuvre d’encerclement. Nous recevons l’ordre de décrocher. Une grande explosion devant nous : c’est le peloton qui vient de faire sauter les munitions prises. Je fais rassembler le matériel et les prisonniers et nous prenons au pas de course le chemin de repli à la suite du peloton. Sur notre gauche, à 300 mètres, une colonne viet court parallèlement à nous pour nous dépasser et nous couper le chemin pendant qu’une mitrailleuse nous ajuste d’un tir nourri. Deux prisonniers s’écroulent, le télémètre qu’ils portaient percé comme une clarinette. Il faut houspiller les autres pour qu’ils se relèvent et galopent à notre rythme. Notre artillerie, que Lepage a fort justement poussée jusqu’à Ban Mé, matraque l’adversaire pendant que la chasse mitraille tout ce qui bouge sur les collines. Cet appui opportun nous permet d’arriver au point de recueil du bataillon, essoufflés mais fort satisfaits de notre prise. Le bataillon regroupé reprend la route de That Khé pendant que 7 King Cobra straffent derrière nous et avec l’artillerie bloquent les troupes viets lancées à notre poursuite.
Le Commandant en Chef du Corps Expéditionnaire, le Général Carpentier, est actuellement au Tonkin. Par télégramme il félicite le Groupement Bayard pour ce succès. Mais pour les acteurs de Po Ma c’est avant tout une confirmation et un avertissement. Les Viets sont bien là, nombreux, agressifs, bien armés. Et fait nouveau, ils manœuvrant rapidement. Signe évident de la qualité de leur commandement ainsi que d’une très bonne dotation en moyen de transmissions.
Arrivé à That Khé, mon premier souci est d’exploiter les documents et d’interroger les prisonniers, surtout l’officier qui se révéle être un capitaine d’artillerie. L’interrogatoire est aisé et fructueux. Tous les cadres viets ont la manie de tenir un carnet de route, ou ils notent leurs cours politiques, leurs états d’âmes et souvent leurs déplacements. Notre officier ne fait pas exception. Le Sergent Huu Hong me traduit le texte : « Ce soir j’ai un peu de fièvre… Aujourd’hui je suis heureux. Nous venons de recevoir six nouvelles pièces, ce qui nous en fera huit que nous pourrons utiliser pour l’attaque de V2…etc… » La sacoche contient divers ordres de mouvements, et un calque de positions prévues pour les pièces d’artillerie. Le calque ne colle pas avec le relief de Dong Khé, mais parfaitement avec celui de That Khé. Avec les renseignements que nous possédons déjà, il est alors aisé d’obtenir des confidences du prisonnier persuadé que nous savons tout. Et la moisson est superbe. Les bataillons à l’entraînement en Chine sont prés d’une grande rivière (le Song Bang Giang) et la ville la plus proche est Lung Chau (Long Tchéou) à 5 ou 6 kilomètres. C’est la brigade 308 avec les T.D 102 et 36 et un bataillon d’artillerie qui a attaqué Dong Khé. Elle a eu ses effectifs recomplétés avec les unités équipées et instruites en Chine, et vient d’être renforcée par le bataillon d’artillerie de notre prisonnier. La mission actuelle de celui-ci était de reconnaître des emplacements d’artillerie, pour l’attaque de V2, V2 c’est That Khé. V1 c’était Dong Khé. Le matériel est du 75 de montagne américain (fourni à Tchang Kaï Chek et tombé aux mains de Mao). Les bataillons d’infanterie en réserve en Chinesont de 1200 hommes, chaque compagnie à 9 F.M Skoda, 3 mitrailleuses et deux mortiers de 60, les fusils sont des Mausers chinois, les P.M sont des Thompson (11,43) ou G.M.C (9mm). Une puissance de feu supérieure à la nôtre.
Ces renseignements permettent de confirmer et de compléter les renseignements antérieurs concernant les forces adverses : à l’est de la R.C.4 , 4 régiments**, 2 bataillons d’artillerie, une réserve importante entraînée et bien armée en Chine, à moins d’une journée de marche de That Khé ou Dong Khé. A l’ouest de That Khé, 2 autres régiments sont en attente. C’est le régiment 246 qui était à Po Ma. Les sceptiques de l’Etat-Major de la ZOT pouvaient jusque là penser que les unités V.M localisées par les écoutes radio étaient une fiction, le résultat d’un « funkspiel » viet pour nous intoxiquer. Maintenant, tout concorde : à Po Ma, nous avons pu constater sur le terrain la présence des viets en nombre impressionnant. Les documents ramenés ainsi que l’interrogatoire des prisonniers ne laissent aucun doute, l’essentiel du corps de bataille viet au Tonkin est là. Si l’ennemi prépare ou envisage l’attaque de That Khé, le gros des forces est toujours à la hauteur de Dong Khé, à l’Est de la R.C. 4.
Cette synthése est envoyée immédiatement à Langson *. Elle ne reçoit qu’indifférence. Ou même, elle dérange. Une grande opération est déjà préparée, le planning en est déjà arrêté.
Le 28 Septembre, le B.E.P pousse une reconnaissance à l’Ouest de That Khé. Aucun contact. Les deux régiments viets identifiés se sont placés hors de portée, mais un renseignement local confirme leur présence à Po Leing, à 10 km à l’Ouest de That Khé. La suite à montrer qu’ils étaient bien là.
* P.C de la Zone Frontière, commandée par le Colonel Constans
Ce texte est la propriété exclusive de son auteur et tout ou partie de celui ci ne pourra être utilisé sans l'accord express de l'auteur
© CBA Stien.
Le raid sur PO MA
Le 24 Septembre, c’est notre raid sur Po Ma, 12 km au Nord Est de That Khé, prés de la frontière de Chine. Il s’agit de voir si les Viets sont bien là, de donner un coup de pied dans la fourmilière. Le départ se fait dans la nuit du 23 au 24. Le 8ème R.T.M.(un bataillon de marche, rappelons le) et le 11ème Tabor progressent sur la piste et occupent les points forts de part et d’autre de la route et assurent le recueil. Puis le B.E.P. suivi du 1er Tabor les dépassent et d’un pas rapide, atteignent la cuvette de Po Ma. Je suis en tête avec le groupe de partisans du B.E.P.**, suivi par le Lt Faulques avec son peloton d’élèves gradés.
Le jour se léve à peine quand Hoï stoppe brusquement le groupe : devant nous et sur notre droite, une assez grande paillote. On l’encercle en silence, puis on y fait irruption. Ce n’est pas une simple habitation : sur un long bat-flanc se dressent une douzaine de bo doïs, qui, ahuris, lèvent les bras devant nos armes braquées. Pendant que le peloton nous dépasse pour aller plus loin à la découverte, nous faisons rapidement l’inventaire de notre prise : des armes, mais surtout un télémétre chinois et une sacoche bourrée de documents. Parmi nos prisonniers, malgré l’absence habituelle de’insignes de grade, à l’évidence un officier.
Un peu plus loin des rafales claquent : c’est le peloton qui vient de surprendre l’escorte d’une colonne de coolies transportant du riz et des munitions d’artillerie. Rapidement, c’est un feu nourri qui se déclenche dans toute la cuvette de Po Ma. Toutes les compagnies du B.E.P. et les Goums qui derrière nous avaient divergé vers leurs objectifs sont pris durement à partie et ripostent vigoureusement.
Le jour est maintenant levé et les collines qui nous entourent se couvrent de bo doïs, qui mettent des armes lourdes en batterie et entament aussi une manœuvre d’encerclement. Nous recevons l’ordre de décrocher. Une grande explosion devant nous : c’est le peloton qui vient de faire sauter les munitions prises. Je fais rassembler le matériel et les prisonniers et nous prenons au pas de course le chemin de repli à la suite du peloton. Sur notre gauche, à 300 mètres, une colonne viet court parallèlement à nous pour nous dépasser et nous couper le chemin pendant qu’une mitrailleuse nous ajuste d’un tir nourri. Deux prisonniers s’écroulent, le télémètre qu’ils portaient percé comme une clarinette. Il faut houspiller les autres pour qu’ils se relèvent et galopent à notre rythme. Notre artillerie, que Lepage a fort justement poussée jusqu’à Ban Mé, matraque l’adversaire pendant que la chasse mitraille tout ce qui bouge sur les collines. Cet appui opportun nous permet d’arriver au point de recueil du bataillon, essoufflés mais fort satisfaits de notre prise. Le bataillon regroupé reprend la route de That Khé pendant que 7 King Cobra straffent derrière nous et avec l’artillerie bloquent les troupes viets lancées à notre poursuite.
Le Commandant en Chef du Corps Expéditionnaire, le Général Carpentier, est actuellement au Tonkin. Par télégramme il félicite le Groupement Bayard pour ce succès. Mais pour les acteurs de Po Ma c’est avant tout une confirmation et un avertissement. Les Viets sont bien là, nombreux, agressifs, bien armés. Et fait nouveau, ils manœuvrant rapidement. Signe évident de la qualité de leur commandement ainsi que d’une très bonne dotation en moyen de transmissions.
Arrivé à That Khé, mon premier souci est d’exploiter les documents et d’interroger les prisonniers, surtout l’officier qui se révéle être un capitaine d’artillerie. L’interrogatoire est aisé et fructueux. Tous les cadres viets ont la manie de tenir un carnet de route, ou ils notent leurs cours politiques, leurs états d’âmes et souvent leurs déplacements. Notre officier ne fait pas exception. Le Sergent Huu Hong me traduit le texte : « Ce soir j’ai un peu de fièvre… Aujourd’hui je suis heureux. Nous venons de recevoir six nouvelles pièces, ce qui nous en fera huit que nous pourrons utiliser pour l’attaque de V2…etc… » La sacoche contient divers ordres de mouvements, et un calque de positions prévues pour les pièces d’artillerie. Le calque ne colle pas avec le relief de Dong Khé, mais parfaitement avec celui de That Khé. Avec les renseignements que nous possédons déjà, il est alors aisé d’obtenir des confidences du prisonnier persuadé que nous savons tout. Et la moisson est superbe. Les bataillons à l’entraînement en Chine sont prés d’une grande rivière (le Song Bang Giang) et la ville la plus proche est Lung Chau (Long Tchéou) à 5 ou 6 kilomètres. C’est la brigade 308 avec les T.D 102 et 36 et un bataillon d’artillerie qui a attaqué Dong Khé. Elle a eu ses effectifs recomplétés avec les unités équipées et instruites en Chine, et vient d’être renforcée par le bataillon d’artillerie de notre prisonnier. La mission actuelle de celui-ci était de reconnaître des emplacements d’artillerie, pour l’attaque de V2, V2 c’est That Khé. V1 c’était Dong Khé. Le matériel est du 75 de montagne américain (fourni à Tchang Kaï Chek et tombé aux mains de Mao). Les bataillons d’infanterie en réserve en Chinesont de 1200 hommes, chaque compagnie à 9 F.M Skoda, 3 mitrailleuses et deux mortiers de 60, les fusils sont des Mausers chinois, les P.M sont des Thompson (11,43) ou G.M.C (9mm). Une puissance de feu supérieure à la nôtre.
Ces renseignements permettent de confirmer et de compléter les renseignements antérieurs concernant les forces adverses : à l’est de la R.C.4 , 4 régiments**, 2 bataillons d’artillerie, une réserve importante entraînée et bien armée en Chine, à moins d’une journée de marche de That Khé ou Dong Khé. A l’ouest de That Khé, 2 autres régiments sont en attente. C’est le régiment 246 qui était à Po Ma. Les sceptiques de l’Etat-Major de la ZOT pouvaient jusque là penser que les unités V.M localisées par les écoutes radio étaient une fiction, le résultat d’un « funkspiel » viet pour nous intoxiquer. Maintenant, tout concorde : à Po Ma, nous avons pu constater sur le terrain la présence des viets en nombre impressionnant. Les documents ramenés ainsi que l’interrogatoire des prisonniers ne laissent aucun doute, l’essentiel du corps de bataille viet au Tonkin est là. Si l’ennemi prépare ou envisage l’attaque de That Khé, le gros des forces est toujours à la hauteur de Dong Khé, à l’Est de la R.C. 4.
Cette synthése est envoyée immédiatement à Langson *. Elle ne reçoit qu’indifférence. Ou même, elle dérange. Une grande opération est déjà préparée, le planning en est déjà arrêté.
Le 28 Septembre, le B.E.P pousse une reconnaissance à l’Ouest de That Khé. Aucun contact. Les deux régiments viets identifiés se sont placés hors de portée, mais un renseignement local confirme leur présence à Po Leing, à 10 km à l’Ouest de That Khé. La suite à montrer qu’ils étaient bien là.
* P.C de la Zone Frontière, commandée par le Colonel Constans
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© CBA Stien.
Dernière édition par Ramuncho le Lun 4 Oct - 12:28, édité 2 fois
Ramuncho- Messages : 650
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: Po Ma, premice de la RC4
Vers la reprise de Dong Khé
Le 30 Septembre après midi, le Commandant Segrétain et le Capitaine Jeanpierre reviennent du briefing de l’opération « TIZNIT ». Le Commandant a les traits tirés, il souffre horriblement d’une sciatique.
Jeanpierre a sa gueule des mauvais jours. Je lui demande :
- Alors mon Capitaine, comment ça se présente ?
- - Mal ! On va réoccuper Dong Khé, tout en tenant des points de repli. Ça fera peu de monde au bout de parcours. Convoquez les commandants de compagnie.
Le briefing du BEP commence. Le Commandant Segrétain expose l’ordre d’opération : le BEP est initialement en queue. Devant lui le 11ème Tabor qui occupera 703, suivi du 1er Tabor qui le dépassera et tiendra le col de Lung Phaï, le 8ème RTM passant alors en tête pour traverser la 73/2 et tenir les collines de Na Ngaum, qui commandent la piste de Bo Bach. Le BEP le dépassera et devra occupé le Na Kéo tout en poussant une reconnaissance sur Dong Khé. Puis le 11ème Tabor quittera 703 en y laissant un goum, un autre de ses goum relévera le 1er Tabor à Lung Phaï, qui avec le reste du 11ème Tabor rejoindra le PC Lepage à l’ancien poste de Na Pa (à mi pente du Na Kéo). Classique, sûr, mais lourd.
J’expose ensuite le détail des renseignements. Le Capitaine Garrigues (1ère Cie), combattant expérimenté et qui a été au 3ème bureau de la ZOT s’étonne :
- Réoccuper Dong Khé qui est difficilement défendable et dégarnir That Khé qui est menacé, ça n’a pas de sens. Et les renseignements de Po Ma, les grands chefs y croient ou n’y croient pas ?
- Ou ils n’y croient pas, ou ils nous crient assez forts pour affronter 20 000 viets en rase campagne, réplique Jeanpierre. Lepage, d’accord avec nous a demandé au Colonel Constans le report de l’opération, en faisant valoir nos renseignements et les risques de l’opération. Refus immédiat. Je pense qu’il faudra que l’opération se fasse à toute vitesse pour qu’on n’ait pas tous les viets du coin sur le dos avant de prendre Dong Khé.
- On emporte deux jours de vivres. Nous préparons nos sacs. Pour la première fois je vois le Capitaine Jeanpierre entrer dans une fureur bleue : son ordonnance et celle du commandant Segrétain ouvraient les boites de rations afin de se délester d’une partie de leur contenu, biscuits et bonbons. On procédait souvent ainsi pour nos opérations dans le delta, ou nous trouvions aisément des vivres frais et étions aisément ravitaillés par parachutages. Jeanpierre oblige à tout récupérer et à emporter jusqu’au dernier biscuit.
- Nous en aurons plus que besoin, dit-il durement.
Il voyait juste. Cette opération serait pour le BEP non seulement l’holocauste, mais aussi le calvaire de la faim et du manque de sommeil.
A suivre
Le 1er Octobre, le BEP, amené dans la nuit en camions jusqu’au Pont Bascou, démarre avec le jour. Très vite nous sommes bloqués dans la descente de Lung Phaï, le 8ème RTM est stoppé devant nous. Le jour est maintenant bien levé. Jeanpierre grommelle.
- C’est trop lent, bon sang, c’est trop lent.
Manifestement la prudence prévaut sur la rapidité. Le Commandant Segrétain part devant avec Jeanpierre pour rejoindre le P.C. Lepage et faire et faire activer. Après une demi-heure, la progression reprend enfin. Nous traversons la sinistre 73/2 *, nous doublons le 8ème RTM, la 1ère Cie grimpe sur le Na Kéo. Toujours pas un coup de feu.
Le peloton, en tête, accroche un groupe d’une dizaine de viets venant tranquillement à sa rencontre sur la route, en tue plusieurs, le reste se débande. Puis avec Jeanpierre, il fonce vers Dong Khé, mais se fait clouer au sol, par une mitrailleuse tirant de la citadelle. Jeanpierre demande tout le BEP pour l’attaque, mais le Colonel Lepage préfére la remettre au lendemain avec des effectifs plus importants et 2 canons qui seront parachutés. Le BEP s’établit pour la nuit sur 615, légérement boisé. Je m’installe sur un emplacement d’artillerie viet. Par l’étroite trouée aménagée pour le champ de tir du canon, on a vue directe et plongeante sur la citadelle, à 2 000 m. Il y a du viet dedans, mais j’en vois assez peu, seulement de temps à autre quelques hommes qui se rendent d’un blockhaus à l’autre en portant des caissettes. Le disponible du 11ème Tabor, un goum (le 5ème) et le GCA, reléve notre 1ère Cie sur le Na Khéo, 1 500 m au sud, sur le même mouvement de terrain que 615. Le P.C. « Bayard » rejoint le poste de Na Pa. La nuit est calme.
Le 2 Octobre, dés que l’aube pointe, j’observe la position ennemie. Il y a du monde dedans maintenant, et une colonne d’une centaine d’hommes venant du nord-est arrive encore en renfort. Un Morane d’observation signale que d’autres troupes se dirigent vers la citadelle et que de fortes colonnes font mouvement vers l’ouest sur la piste de Bo Bach, donc vers Na Ngaum et le Na Kéo. Les Viets se renforcent donc devant nous et acheminent du monde derrière nous. Ils ont assez de troupes pour faire les deux. Pendant ce temps là, le dispositif d’attaque de Lepage se met en place, le 1er Tabor déborde Dong Khé par l’ouest, les compagnies du BEP se déploient. Elles sont très vite prise à partie. La chasse intervient, mais sans grand résultat : les bo doïs disparaissent dans les blockhaus et les tranchées. Trois bons vieux junkers rafistolés en bombardiers larguent leurs bombes ainsi qu’un bidon de produit inflammable, qui tombe au beau milieu de la citadelle. Ce n’est malheureusement pas du napalm, dont nous ne disposons pas encore, l’effet est limité. Puis les King Cobra vont straffer la piste de Bo Bach « ça fourmille de viets » communique le leader.
* Indicatif de la compagnie du Génie qui a construit cette portion de route
Ce texte est la propriété exclusive de son auteur et tout ou partie de celui ci ne pourra être utilisé sans l'accord express de l'auteur
© CBA Stien.
Le 30 Septembre après midi, le Commandant Segrétain et le Capitaine Jeanpierre reviennent du briefing de l’opération « TIZNIT ». Le Commandant a les traits tirés, il souffre horriblement d’une sciatique.
Jeanpierre a sa gueule des mauvais jours. Je lui demande :
- Alors mon Capitaine, comment ça se présente ?
- - Mal ! On va réoccuper Dong Khé, tout en tenant des points de repli. Ça fera peu de monde au bout de parcours. Convoquez les commandants de compagnie.
Le briefing du BEP commence. Le Commandant Segrétain expose l’ordre d’opération : le BEP est initialement en queue. Devant lui le 11ème Tabor qui occupera 703, suivi du 1er Tabor qui le dépassera et tiendra le col de Lung Phaï, le 8ème RTM passant alors en tête pour traverser la 73/2 et tenir les collines de Na Ngaum, qui commandent la piste de Bo Bach. Le BEP le dépassera et devra occupé le Na Kéo tout en poussant une reconnaissance sur Dong Khé. Puis le 11ème Tabor quittera 703 en y laissant un goum, un autre de ses goum relévera le 1er Tabor à Lung Phaï, qui avec le reste du 11ème Tabor rejoindra le PC Lepage à l’ancien poste de Na Pa (à mi pente du Na Kéo). Classique, sûr, mais lourd.
J’expose ensuite le détail des renseignements. Le Capitaine Garrigues (1ère Cie), combattant expérimenté et qui a été au 3ème bureau de la ZOT s’étonne :
- Réoccuper Dong Khé qui est difficilement défendable et dégarnir That Khé qui est menacé, ça n’a pas de sens. Et les renseignements de Po Ma, les grands chefs y croient ou n’y croient pas ?
- Ou ils n’y croient pas, ou ils nous crient assez forts pour affronter 20 000 viets en rase campagne, réplique Jeanpierre. Lepage, d’accord avec nous a demandé au Colonel Constans le report de l’opération, en faisant valoir nos renseignements et les risques de l’opération. Refus immédiat. Je pense qu’il faudra que l’opération se fasse à toute vitesse pour qu’on n’ait pas tous les viets du coin sur le dos avant de prendre Dong Khé.
- On emporte deux jours de vivres. Nous préparons nos sacs. Pour la première fois je vois le Capitaine Jeanpierre entrer dans une fureur bleue : son ordonnance et celle du commandant Segrétain ouvraient les boites de rations afin de se délester d’une partie de leur contenu, biscuits et bonbons. On procédait souvent ainsi pour nos opérations dans le delta, ou nous trouvions aisément des vivres frais et étions aisément ravitaillés par parachutages. Jeanpierre oblige à tout récupérer et à emporter jusqu’au dernier biscuit.
- Nous en aurons plus que besoin, dit-il durement.
Il voyait juste. Cette opération serait pour le BEP non seulement l’holocauste, mais aussi le calvaire de la faim et du manque de sommeil.
A suivre
Le 1er Octobre, le BEP, amené dans la nuit en camions jusqu’au Pont Bascou, démarre avec le jour. Très vite nous sommes bloqués dans la descente de Lung Phaï, le 8ème RTM est stoppé devant nous. Le jour est maintenant bien levé. Jeanpierre grommelle.
- C’est trop lent, bon sang, c’est trop lent.
Manifestement la prudence prévaut sur la rapidité. Le Commandant Segrétain part devant avec Jeanpierre pour rejoindre le P.C. Lepage et faire et faire activer. Après une demi-heure, la progression reprend enfin. Nous traversons la sinistre 73/2 *, nous doublons le 8ème RTM, la 1ère Cie grimpe sur le Na Kéo. Toujours pas un coup de feu.
Le peloton, en tête, accroche un groupe d’une dizaine de viets venant tranquillement à sa rencontre sur la route, en tue plusieurs, le reste se débande. Puis avec Jeanpierre, il fonce vers Dong Khé, mais se fait clouer au sol, par une mitrailleuse tirant de la citadelle. Jeanpierre demande tout le BEP pour l’attaque, mais le Colonel Lepage préfére la remettre au lendemain avec des effectifs plus importants et 2 canons qui seront parachutés. Le BEP s’établit pour la nuit sur 615, légérement boisé. Je m’installe sur un emplacement d’artillerie viet. Par l’étroite trouée aménagée pour le champ de tir du canon, on a vue directe et plongeante sur la citadelle, à 2 000 m. Il y a du viet dedans, mais j’en vois assez peu, seulement de temps à autre quelques hommes qui se rendent d’un blockhaus à l’autre en portant des caissettes. Le disponible du 11ème Tabor, un goum (le 5ème) et le GCA, reléve notre 1ère Cie sur le Na Khéo, 1 500 m au sud, sur le même mouvement de terrain que 615. Le P.C. « Bayard » rejoint le poste de Na Pa. La nuit est calme.
Le 2 Octobre, dés que l’aube pointe, j’observe la position ennemie. Il y a du monde dedans maintenant, et une colonne d’une centaine d’hommes venant du nord-est arrive encore en renfort. Un Morane d’observation signale que d’autres troupes se dirigent vers la citadelle et que de fortes colonnes font mouvement vers l’ouest sur la piste de Bo Bach, donc vers Na Ngaum et le Na Kéo. Les Viets se renforcent donc devant nous et acheminent du monde derrière nous. Ils ont assez de troupes pour faire les deux. Pendant ce temps là, le dispositif d’attaque de Lepage se met en place, le 1er Tabor déborde Dong Khé par l’ouest, les compagnies du BEP se déploient. Elles sont très vite prise à partie. La chasse intervient, mais sans grand résultat : les bo doïs disparaissent dans les blockhaus et les tranchées. Trois bons vieux junkers rafistolés en bombardiers larguent leurs bombes ainsi qu’un bidon de produit inflammable, qui tombe au beau milieu de la citadelle. Ce n’est malheureusement pas du napalm, dont nous ne disposons pas encore, l’effet est limité. Puis les King Cobra vont straffer la piste de Bo Bach « ça fourmille de viets » communique le leader.
* Indicatif de la compagnie du Génie qui a construit cette portion de route
Ce texte est la propriété exclusive de son auteur et tout ou partie de celui ci ne pourra être utilisé sans l'accord express de l'auteur
© CBA Stien.
Dernière édition par Ramuncho le Lun 4 Oct - 12:28, édité 3 fois
Ramuncho- Messages : 650
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Re: Po Ma, premice de la RC4
ON EVACUE CAO BANG
Au début de l’après midi de ce 2 Octobre, coup de théâtre. Un Morane largue un message lesté au dessus du P.C de Lepage. Nous recevons bientôt de nouvelles instructions. A l’opération « TIZNIT » succéde l’opération « THERESE ». L’attaque sur Dong Khé est annulée. Le BEP tiendra 615, tandis que le 5ème Goum et le GCA du 11ème Tabor, se portera au devant de la colonne Charton qui évacueb Cao Bang le 3 Octobre à 0h00. La jonction est prévue à Na Nang, sur la R.C.4, à 15 km au nord de Dong Khé.
Ce n’est que le 6 Octobre, quand nous aurons rejoint bLepage dans la cuvette de Co Xa que j’apprendrai que l’évacuation de Cao Bang, décidée au niveau du gouvernement, avait été l’unique raison de notre départ sur Dong Khé. Le Colonel Lepage lui-même avait été tenu dans l’ignorance de ce fait essentiel.
En même temps que nous parviennent ces nouvelles instructions, un JU 52 parachute une dizaine d’hommes et des gaines. C’est le Lieutenant Claverane, du 35ème R.A.L.A.P qui arrive avec 2 canons de 3 pouces 7 pour appuyer l’attaque de Dong Khé que l’on vient justement d’annuler. Puisque les canons sont là, autant les utiliser. Une pièce est montée à grand peine sur la plate forme du poste de Na Pa, et Claverane nous rejoint à 615 pour le réglage. La première salve est en plein dans la citadelle et crée une certaine agitation. Le 3 pouces 7 contribuera au moins à tromper un temps les viets sur nos intentions.
Pendant que le Commandant Segrétain donne des instructions aux compagnies qui doivent se retirer de leurs postions d’attaque, Jeanpierre me commente la nouvelle situation.
- Le groupement Bayard sera en 3 morceaux. Deux goums du 11ème Tabor à 703 et Lung Phaï, le BEP avec le reste du 11ème Tabor sur la crête 615-Nakéo * et Lepage qui n’a plus que 2 bataillons pour aller au devant de Charton. Il compte sur nous pour fixer les Viets ici.
- Mais les Viets ont assez de monde pour à la fois nous attaquer, poursuivre Lepage et bloquer Charton.
Jeanpierre hausse les épaules :
-évidemment. Mais Lepage et Charton ont encore une chance de passer s’ils marchent à toute vitesse.
Dans l’après-midi, une fusillade dense éclate au sud. La compagnie Feuillet, du 8ème RTM vient de se faire balayer de Na Ngaum. Des tirs également à l’ouest de Dong Khé contre le 1er Tabor. Puis commence le pilonnage du Na Kéo, au 75 et au mortier de 81. L’attaque viuet est commencée, elle s’annonce dure et déterminée.
A ce moment là Charton n’a pas encore quitté Cao Bang.
* Même pas 700 hommes au total. 500 du BEP et moins de 200 du 11ème Tabor
Ce texte est la propriété exclusive de son auteur et tout ou partie de celui ci ne pourra être utilisé sans l'accord express de l'auteur
© CBA Stien.
Au début de l’après midi de ce 2 Octobre, coup de théâtre. Un Morane largue un message lesté au dessus du P.C de Lepage. Nous recevons bientôt de nouvelles instructions. A l’opération « TIZNIT » succéde l’opération « THERESE ». L’attaque sur Dong Khé est annulée. Le BEP tiendra 615, tandis que le 5ème Goum et le GCA du 11ème Tabor, se portera au devant de la colonne Charton qui évacueb Cao Bang le 3 Octobre à 0h00. La jonction est prévue à Na Nang, sur la R.C.4, à 15 km au nord de Dong Khé.
Ce n’est que le 6 Octobre, quand nous aurons rejoint bLepage dans la cuvette de Co Xa que j’apprendrai que l’évacuation de Cao Bang, décidée au niveau du gouvernement, avait été l’unique raison de notre départ sur Dong Khé. Le Colonel Lepage lui-même avait été tenu dans l’ignorance de ce fait essentiel.
En même temps que nous parviennent ces nouvelles instructions, un JU 52 parachute une dizaine d’hommes et des gaines. C’est le Lieutenant Claverane, du 35ème R.A.L.A.P qui arrive avec 2 canons de 3 pouces 7 pour appuyer l’attaque de Dong Khé que l’on vient justement d’annuler. Puisque les canons sont là, autant les utiliser. Une pièce est montée à grand peine sur la plate forme du poste de Na Pa, et Claverane nous rejoint à 615 pour le réglage. La première salve est en plein dans la citadelle et crée une certaine agitation. Le 3 pouces 7 contribuera au moins à tromper un temps les viets sur nos intentions.
Pendant que le Commandant Segrétain donne des instructions aux compagnies qui doivent se retirer de leurs postions d’attaque, Jeanpierre me commente la nouvelle situation.
- Le groupement Bayard sera en 3 morceaux. Deux goums du 11ème Tabor à 703 et Lung Phaï, le BEP avec le reste du 11ème Tabor sur la crête 615-Nakéo * et Lepage qui n’a plus que 2 bataillons pour aller au devant de Charton. Il compte sur nous pour fixer les Viets ici.
- Mais les Viets ont assez de monde pour à la fois nous attaquer, poursuivre Lepage et bloquer Charton.
Jeanpierre hausse les épaules :
-évidemment. Mais Lepage et Charton ont encore une chance de passer s’ils marchent à toute vitesse.
Dans l’après-midi, une fusillade dense éclate au sud. La compagnie Feuillet, du 8ème RTM vient de se faire balayer de Na Ngaum. Des tirs également à l’ouest de Dong Khé contre le 1er Tabor. Puis commence le pilonnage du Na Kéo, au 75 et au mortier de 81. L’attaque viuet est commencée, elle s’annonce dure et déterminée.
A ce moment là Charton n’a pas encore quitté Cao Bang.
* Même pas 700 hommes au total. 500 du BEP et moins de 200 du 11ème Tabor
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Re: Po Ma, premice de la RC4
LA BATAILLE DU NA KEO
La nuit tombée, c’est l’assaut sur le Na Kéo. Les goumiers se défendent admirablement et repoussent deux assauts. Toute la nuit nous entendons la fusillade, les explosions de grenades et des obus de mortiers. Puis à l’aube, nouvel assaut avec sonneries de clairon, corps à corps et victoire de justesse des goumiers à bout de munitions. Avec le jour arrive la chasse, qui mitraille au plus prés.
Le BEP propose de se porter sur le Na Kéo, mais Delcros reçoit de Lepage, en route vers 765, l’ordre de maintenir le BEP sur 615, position qu’il tient pour essentielle. Selon le Colonel Lepage, notre présence fait peser une menace sur Dong Khé et immobilise donc d’importantes forces viets tout en protégeant le flanc gauche du 11ème Tabor. C’est indiscutable.
- Peut être me dit le Capitaine Jeanpierre, mais si le Na Kéo tombe 615 est cuit.
Le commandant Segrétain décide de placer le peloton en bas face Est de 615. Les viets peuvent s’infiltrer par là, autant pour nous déborder que pour attaquer le Na Kéo. Désoeuvré sur 615, j’accompagne le peloton pour son installation. Le peloton d’élèves gradésdu BEP est une unité extraordinaire. Rien que des volontaires, ayant tous de 2 à 7 ans de guerre derrière eux. J’avais été pendant deux mois leur instructeur, adjoint au Lieutenant Faulques, avant d’être appelé au poste d’adjoint au Chef de Bataillon. J’avais pu apprécier le mordant, la discipline et la valeur de cette phalange surentraînée. A leur tête, Faulques, un homme de guerre comme on en voit peu, pugnace, audacieux et manœuvrier.
Le peloton se place en embuscade. Camouflage parfait et silence absolu. Et bientôt une colonne viet arrive *. Le tir massif du peloton se déclenche au signal, à bout portant, sur l’unité engagée dans la nasse. Un massacre et une d déroute. Excellents dans l’assaut, les Viets réagissent très mal en cas de surprise.
Je remonte au P.C. Une nouvelle attaque est en cours contre le Na Kéo. A la jumelle on peut distinguer les combattants entremêlés. La chasse arrive et mitraille au plus prés, sur le Na Kéo même. Les viets refluent mais se regroupent pour l’assaut définitif. La situation est désespérée, mais le Commandant Delcros obtient enfin de Lepage que le BEP abandonne 615 et le relève.
Le Commandant Segrétain envoie immédiatement ce qu’il a de plus proche, la 2ème Cie. La section Chauvet démarre au galop, et prend à revers les viets prêts à bondir. C’est la surprise, le massacre. Le reste de la 2 arrive au pas de course et complête la déroute.
Le P.C. arrive rapidement sur le Na Kéo. Les goumiers sont à bout, épuisés, sans munitions. Leurs pertes sont lourdes. Ils enterrent sommairement les morts, descendent avec leurs blessés au poste de Na Pa. Pédoussaut, notre Capitain- médecin donne un coup de main à son collègue Lévy, du 11ème Tabor. Le 11 Tabor a mené un combat exceptionnel, digne de tous éloges. Mais cette unité fraîchement débarquée a eu un baptême du feu trop éprouvant, avec les assauts furieux des viets, le corps à corps, et aussi des pertes du fait de notre chasse, qui par défaut de balisage au sol, a un temps tiré dans la masse confuse des combattants entremêlés **. C’est une unité définitivement brisée qui nous céde la place. Elle ne pourra être d’aucun appoint dans les combats des jours suivants.
Le BEP s’installe en défensive, le P.C et la CCB légèrement à contre pente avec comme seule réserve le peloton et le groupe de partisans. Toutes les compagnies sont nécessaires sur la crête, car derrière nous, il n’y a aucun recul, la pente vers la plaine de Na Pa est abrupte. Le terrain est favorable aux assaillants : le Na Kéo va en pente douce vers l’est, avec des talwegs qui permettent l’approche. La partie s’annonce dure : nous ne disposons d’aucune défense accessoire, mines ou barbelés, et nous sommes nettement surclassés en nombre et en puissance.
Les Légionnaires occupent les emplacements de combats existants, ils en creusent rapidement d’autres, sous le tir de harcèlement de l’adversaire. Par radio, le Capitaine Bouyssou annonce au P.C la mort du Lieutenant Meyer, tué d’une balle de mitrailleuse, alors qu’il installait sa section.
Les Viets n’ont pas renoncé. Ils veulent à tout prix le Na Kéo. Vers 15 heures, lev pilonnage reprend.
Les vagues d’assaut viets se mettent à nouveau en place. Des cris d’assaut résonnent, accompagnés de coups de sifflets, mais l’adversaire reste invisible.. Les viets voudraient bien que nous tirions et dévoilions ainsi nos postes d’armes automatiques. La discipline de feu est totale, pas un coup de feu n’est tiré, les légionnaires-parachutistes restent blottis dans leurs trous tant que l’adversaire n’est pas en vue. Et c’est ensuite le véritable assaut en masse des petits hommes en vert. Quand l’assaillant est à moins de cinquante mètres, les légionnaires se dressent et ouvrent un feu dévastateur. Le BEPa depuis peu été équipé en pistolets-mitrailleurs de 9 mm, le M.P.40 allemand, au lieu du minuscule P.M.38 français, de calibre 7,65 long. La puissance d’arrêt est considérablement augmentée. La première vague d’assaut s’écroule, la seconde de même, les grenades dispersent les survivants ***.
* C’était la tête du TD 36 qui montait vers le Na Kéo relever le TD 102
** Le Commandant Delcros attribuait à la couleur des tenues de combats, d’un vert proche de celui des viets, cette erreur de l’aviation. En réalité, il y avait dans son unité un manque de technique et de pratique de coopération sol-air. A la vitesse et à l’altitude ou ils volent, les chasseurs ne peuvent absolument pas distinguer les nuances de vert des uniformes. Les chasseurs tirent compte tenu du balisage, qui doit comporter aussi l’indication de l’unité.
*** Il s’agissait du TD 36, qui a succédé au TD 102, étrillé par les goumiers. Deux régiments de la fameuse Brigade 308.
Ce texte est la propriété exclusive de son auteur et tout ou partie de celui ci ne pourra être utilisé sans l'accord express de l'auteur
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La nuit tombée, c’est l’assaut sur le Na Kéo. Les goumiers se défendent admirablement et repoussent deux assauts. Toute la nuit nous entendons la fusillade, les explosions de grenades et des obus de mortiers. Puis à l’aube, nouvel assaut avec sonneries de clairon, corps à corps et victoire de justesse des goumiers à bout de munitions. Avec le jour arrive la chasse, qui mitraille au plus prés.
Le BEP propose de se porter sur le Na Kéo, mais Delcros reçoit de Lepage, en route vers 765, l’ordre de maintenir le BEP sur 615, position qu’il tient pour essentielle. Selon le Colonel Lepage, notre présence fait peser une menace sur Dong Khé et immobilise donc d’importantes forces viets tout en protégeant le flanc gauche du 11ème Tabor. C’est indiscutable.
- Peut être me dit le Capitaine Jeanpierre, mais si le Na Kéo tombe 615 est cuit.
Le commandant Segrétain décide de placer le peloton en bas face Est de 615. Les viets peuvent s’infiltrer par là, autant pour nous déborder que pour attaquer le Na Kéo. Désoeuvré sur 615, j’accompagne le peloton pour son installation. Le peloton d’élèves gradésdu BEP est une unité extraordinaire. Rien que des volontaires, ayant tous de 2 à 7 ans de guerre derrière eux. J’avais été pendant deux mois leur instructeur, adjoint au Lieutenant Faulques, avant d’être appelé au poste d’adjoint au Chef de Bataillon. J’avais pu apprécier le mordant, la discipline et la valeur de cette phalange surentraînée. A leur tête, Faulques, un homme de guerre comme on en voit peu, pugnace, audacieux et manœuvrier.
Le peloton se place en embuscade. Camouflage parfait et silence absolu. Et bientôt une colonne viet arrive *. Le tir massif du peloton se déclenche au signal, à bout portant, sur l’unité engagée dans la nasse. Un massacre et une d déroute. Excellents dans l’assaut, les Viets réagissent très mal en cas de surprise.
Je remonte au P.C. Une nouvelle attaque est en cours contre le Na Kéo. A la jumelle on peut distinguer les combattants entremêlés. La chasse arrive et mitraille au plus prés, sur le Na Kéo même. Les viets refluent mais se regroupent pour l’assaut définitif. La situation est désespérée, mais le Commandant Delcros obtient enfin de Lepage que le BEP abandonne 615 et le relève.
Le Commandant Segrétain envoie immédiatement ce qu’il a de plus proche, la 2ème Cie. La section Chauvet démarre au galop, et prend à revers les viets prêts à bondir. C’est la surprise, le massacre. Le reste de la 2 arrive au pas de course et complête la déroute.
Le P.C. arrive rapidement sur le Na Kéo. Les goumiers sont à bout, épuisés, sans munitions. Leurs pertes sont lourdes. Ils enterrent sommairement les morts, descendent avec leurs blessés au poste de Na Pa. Pédoussaut, notre Capitain- médecin donne un coup de main à son collègue Lévy, du 11ème Tabor. Le 11 Tabor a mené un combat exceptionnel, digne de tous éloges. Mais cette unité fraîchement débarquée a eu un baptême du feu trop éprouvant, avec les assauts furieux des viets, le corps à corps, et aussi des pertes du fait de notre chasse, qui par défaut de balisage au sol, a un temps tiré dans la masse confuse des combattants entremêlés **. C’est une unité définitivement brisée qui nous céde la place. Elle ne pourra être d’aucun appoint dans les combats des jours suivants.
Le BEP s’installe en défensive, le P.C et la CCB légèrement à contre pente avec comme seule réserve le peloton et le groupe de partisans. Toutes les compagnies sont nécessaires sur la crête, car derrière nous, il n’y a aucun recul, la pente vers la plaine de Na Pa est abrupte. Le terrain est favorable aux assaillants : le Na Kéo va en pente douce vers l’est, avec des talwegs qui permettent l’approche. La partie s’annonce dure : nous ne disposons d’aucune défense accessoire, mines ou barbelés, et nous sommes nettement surclassés en nombre et en puissance.
Les Légionnaires occupent les emplacements de combats existants, ils en creusent rapidement d’autres, sous le tir de harcèlement de l’adversaire. Par radio, le Capitaine Bouyssou annonce au P.C la mort du Lieutenant Meyer, tué d’une balle de mitrailleuse, alors qu’il installait sa section.
Les Viets n’ont pas renoncé. Ils veulent à tout prix le Na Kéo. Vers 15 heures, lev pilonnage reprend.
Les vagues d’assaut viets se mettent à nouveau en place. Des cris d’assaut résonnent, accompagnés de coups de sifflets, mais l’adversaire reste invisible.. Les viets voudraient bien que nous tirions et dévoilions ainsi nos postes d’armes automatiques. La discipline de feu est totale, pas un coup de feu n’est tiré, les légionnaires-parachutistes restent blottis dans leurs trous tant que l’adversaire n’est pas en vue. Et c’est ensuite le véritable assaut en masse des petits hommes en vert. Quand l’assaillant est à moins de cinquante mètres, les légionnaires se dressent et ouvrent un feu dévastateur. Le BEPa depuis peu été équipé en pistolets-mitrailleurs de 9 mm, le M.P.40 allemand, au lieu du minuscule P.M.38 français, de calibre 7,65 long. La puissance d’arrêt est considérablement augmentée. La première vague d’assaut s’écroule, la seconde de même, les grenades dispersent les survivants ***.
* C’était la tête du TD 36 qui montait vers le Na Kéo relever le TD 102
** Le Commandant Delcros attribuait à la couleur des tenues de combats, d’un vert proche de celui des viets, cette erreur de l’aviation. En réalité, il y avait dans son unité un manque de technique et de pratique de coopération sol-air. A la vitesse et à l’altitude ou ils volent, les chasseurs ne peuvent absolument pas distinguer les nuances de vert des uniformes. Les chasseurs tirent compte tenu du balisage, qui doit comporter aussi l’indication de l’unité.
*** Il s’agissait du TD 36, qui a succédé au TD 102, étrillé par les goumiers. Deux régiments de la fameuse Brigade 308.
Ce texte est la propriété exclusive de son auteur et tout ou partie de celui ci ne pourra être utilisé sans l'accord express de l'auteur
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Ramuncho- Messages : 650
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Re: Po Ma, premice de la RC4
La chasse survient et achève le travail. Le spectacle est superbe. Les King Cobra straffent les talwegs que nous lui désignons. Avec les chasseurs, c’est entre nous une vieille complicité, une longue habitude de travailler ensemble sur le champ de bataille mais aussi de commenter les résultats, et la méthode en rentrant à Hanoï, autour d’un pot. Ils ont confiance et nous en eux. Ils tirent au plus prés selon nos indications. Les douilles de 12,7 nous tombent dessus, mais ce sont nos adversaires qui prennent les coups, dans les replis du terrain, à 50 mètres. A 1 500 mètres, je vois nettement un groupe de mitrailleuses de D.C.A arroser les avions dans leur ressource. Le Lieutenant De Borde leur tire dessus au 81. Les viets nous répliquent au 75 et au mortier. Pour ne pas être à la traîne, Claveranne envoie des giclées de 3 pouces 7 sur la citadelle (le pauvre ne peut pas tirer ailleurs !).
Les chasseurs partent mitrailler plus loin, sur les réserves viets, puis nous quittent après un dernier rase-motte sur le Na Kéo en battant des ailes. On distingue la tête des pilotes, on leur fait signe de la main. Ils ne sont pas relevé par d’autres avions.
Profitant du straffing de la chasse, un J.U 52 a largué ses colis sur notre position étroite. Nous avions demandé des munitions, surtout des grenades dont on fait une large consommation, ainsi que des obus de mortiers. Une faible partie du matériel tombe sur la crête, quelques colis dans la plaine de Na Pa, mais la majorité chez les viets. Et catastrophe, nous avons les corps de grenade et d’obus de mortier, mais la plupart des bouchons allumeurs et des fusés sont tombés ailleurs * Ce qui est utilisable est rapidement distribué.
Le bruit d’explosions de mortiers nous parvient de l’ouest de Dong Khé ** Ainsi les viets attaquent en même temps le Na Kéo et le reste de la colonne Lepage, qui va au devant de Charton.
Le jour tombe, le BEP se prépare à de nouveaux assauts. Les obus de 81 et ceux de 75 continuent à arriver à cadence lente. C’est du harcélement, sans dommage pour nous. Les trous individuels ont été approfondis, et les coups isolés de 75 de montagne ne sont guère dangereux. Les pièces tirent de 2.000 mètres environ, en tir direct, depuis des grottes de falaises calcaires. On voit d’abord la flamme de départ, puis nous parvient la détonation suivie de très prés par le bref sifflement aigu de l’obus qui arrive.
La nuit tombe et l’artillerie augmente sa cadence. C’est maintenant un tir de prépâration. A peine cesse-t-il que le second assaut hurlant arrive, se maintien vague après vague. Nos 81 et nos 60 ont beau tirer au plus prés, l’attaque viet progresse, marchant sur ses cadavres. L’attaque principale est axée sur la 3, qui risque d’être submergée et débordée. Les compagnies voisines ont-elles-mêmes affaire à forte partie. Le Commandant Segrétain fait donner la garde : le peloton fonce dans la fournaise soutenir l’aile gauche de la 3 et refoule l’assaillant. Puis c’est l’aile droite qui est menacée par cet assaut continu. Je suis la seule réserve avec mes 10 partisans ! Nous y courons et trouvons quelques vagues trous d’où l’on commande une légère coulée vers l’Est. A peine sommes nous installés que l’assaut reprend, à coups de sifflets et de cris « Alasso ! ». Les silhouettes des assaillants se détachent dans les lueurs d’explosions. Les P.M. crachent et les grenades volent de part et d’autre, les bo-doïs avancent avec un courage extraordinaire. Je dois vider un demi chargeur de carabine sur un assaillant hurlant pour le voir enfin s’effondrer prés de mon trou. Puis les flash de l’explosion des grenades montrent un adversaire qui se repli, trébuchant sur ses cadavres.
Partout l’assaut est brisé, les armes se taisent, de proche en proche. Quelques coups de feu isolés claquent, tirés sur des ombres allongées qui bougent encore. Puis après une pause, quelques simulacres d’attaque, avec cris et sifflets, pour user nos munitions et nous briser les nerfs. Les voix sont trop peu nombreuses, rien ne débouche, ça ne prend pas. La discipline de feu est très vite rétablie, personne ne tire. Un silence relatif s’installe.
Je reprends ma place en réserve, prés du P.C. Le médecin Capitaine Pédoussaut soigne à tour de bras les blessés graves qu’on lui amène, et qu’on descend ensuite à l’ancien poste de Na Pa. Les blessés légers, restent à leur poste, soignés par les infirmiers de compagnie. Des viets blessés à mort sont venus, dans leur élan, s’effondrer à l’intérieur de la position de la 3. L’un d’eux vit encore, serrant toujours son fusil-mitrailleur Skoda tout neuf. On l’amène au P.C ou je retrouve aussi le Sous-Lieutenant Cornuault, de la 3, qui a ramassé une balle de 9 mm dans la cuisse.
Pedoussaut soigne le Viet, avec le même dévouement qu’il apporte à nos hommes. Le blessé est encore conscient. Il a deux balles dans le ventre et a perdu beaucoup de sang. Il est perdu. Je demande la permission de lui faire poser quelques questions.
- Pas plus d’une minute, me dit Pedoussaut.
Nos adversaires ont fait preuve d’un courage qui force le respect. Hoï réconforte le blessé, l’interroge avec douceur, comme un camarade.
- - C’est le Régiment 246, me dit il.
On en reste là, pour laisser le bo-doï mourir en paix. Pedoussaut lui fait une morphine. Je lui suggère :
- Mettez lui donc une fiche de soins, avec mention du 1er BEP. Il y a longtemps que les Viets nous ont identifiés, et ça peut faire préserver ceux de nos blessés qui tomberaient entre leurs mains…
* Pour des raisons de sécurité les corps de grenades et les bouchons-allumeurs étaient largués séparément. Mais le chargement de l’avion aurait pu être mieux conçu, par exemple un colis de grenade suivi de prés d’un colis de bouchons-allumeurs. Manifestement, l’aviation de transport et de chasse est aussi occupée ailleurs. Nous saurons plus tard pourquoi.
** Il s’agit du 1er Tabor se repliant du poste ouest de Dong Khé pour aller vers Lepage et le 8ème RTM installés sur 765. Le 1er Tabor n’avait pas reçu le message envoyé dans l’après-midi du 2 octobre lui donnant ordre de décrocher pour gagner 760 ou il ferait jonction avec Lepage partant à la rencontre de Charton. Les défaillances de transmissions seront nombreuses au cours de cette opération.
Ce texte est la propriété exclusive de son auteur et tout ou partie de celui ci ne pourra être utilisé sans l'accord express de l'auteur
© CBA Stien.
Les chasseurs partent mitrailler plus loin, sur les réserves viets, puis nous quittent après un dernier rase-motte sur le Na Kéo en battant des ailes. On distingue la tête des pilotes, on leur fait signe de la main. Ils ne sont pas relevé par d’autres avions.
Profitant du straffing de la chasse, un J.U 52 a largué ses colis sur notre position étroite. Nous avions demandé des munitions, surtout des grenades dont on fait une large consommation, ainsi que des obus de mortiers. Une faible partie du matériel tombe sur la crête, quelques colis dans la plaine de Na Pa, mais la majorité chez les viets. Et catastrophe, nous avons les corps de grenade et d’obus de mortier, mais la plupart des bouchons allumeurs et des fusés sont tombés ailleurs * Ce qui est utilisable est rapidement distribué.
Le bruit d’explosions de mortiers nous parvient de l’ouest de Dong Khé ** Ainsi les viets attaquent en même temps le Na Kéo et le reste de la colonne Lepage, qui va au devant de Charton.
Le jour tombe, le BEP se prépare à de nouveaux assauts. Les obus de 81 et ceux de 75 continuent à arriver à cadence lente. C’est du harcélement, sans dommage pour nous. Les trous individuels ont été approfondis, et les coups isolés de 75 de montagne ne sont guère dangereux. Les pièces tirent de 2.000 mètres environ, en tir direct, depuis des grottes de falaises calcaires. On voit d’abord la flamme de départ, puis nous parvient la détonation suivie de très prés par le bref sifflement aigu de l’obus qui arrive.
La nuit tombe et l’artillerie augmente sa cadence. C’est maintenant un tir de prépâration. A peine cesse-t-il que le second assaut hurlant arrive, se maintien vague après vague. Nos 81 et nos 60 ont beau tirer au plus prés, l’attaque viet progresse, marchant sur ses cadavres. L’attaque principale est axée sur la 3, qui risque d’être submergée et débordée. Les compagnies voisines ont-elles-mêmes affaire à forte partie. Le Commandant Segrétain fait donner la garde : le peloton fonce dans la fournaise soutenir l’aile gauche de la 3 et refoule l’assaillant. Puis c’est l’aile droite qui est menacée par cet assaut continu. Je suis la seule réserve avec mes 10 partisans ! Nous y courons et trouvons quelques vagues trous d’où l’on commande une légère coulée vers l’Est. A peine sommes nous installés que l’assaut reprend, à coups de sifflets et de cris « Alasso ! ». Les silhouettes des assaillants se détachent dans les lueurs d’explosions. Les P.M. crachent et les grenades volent de part et d’autre, les bo-doïs avancent avec un courage extraordinaire. Je dois vider un demi chargeur de carabine sur un assaillant hurlant pour le voir enfin s’effondrer prés de mon trou. Puis les flash de l’explosion des grenades montrent un adversaire qui se repli, trébuchant sur ses cadavres.
Partout l’assaut est brisé, les armes se taisent, de proche en proche. Quelques coups de feu isolés claquent, tirés sur des ombres allongées qui bougent encore. Puis après une pause, quelques simulacres d’attaque, avec cris et sifflets, pour user nos munitions et nous briser les nerfs. Les voix sont trop peu nombreuses, rien ne débouche, ça ne prend pas. La discipline de feu est très vite rétablie, personne ne tire. Un silence relatif s’installe.
Je reprends ma place en réserve, prés du P.C. Le médecin Capitaine Pédoussaut soigne à tour de bras les blessés graves qu’on lui amène, et qu’on descend ensuite à l’ancien poste de Na Pa. Les blessés légers, restent à leur poste, soignés par les infirmiers de compagnie. Des viets blessés à mort sont venus, dans leur élan, s’effondrer à l’intérieur de la position de la 3. L’un d’eux vit encore, serrant toujours son fusil-mitrailleur Skoda tout neuf. On l’amène au P.C ou je retrouve aussi le Sous-Lieutenant Cornuault, de la 3, qui a ramassé une balle de 9 mm dans la cuisse.
Pedoussaut soigne le Viet, avec le même dévouement qu’il apporte à nos hommes. Le blessé est encore conscient. Il a deux balles dans le ventre et a perdu beaucoup de sang. Il est perdu. Je demande la permission de lui faire poser quelques questions.
- Pas plus d’une minute, me dit Pedoussaut.
Nos adversaires ont fait preuve d’un courage qui force le respect. Hoï réconforte le blessé, l’interroge avec douceur, comme un camarade.
- - C’est le Régiment 246, me dit il.
On en reste là, pour laisser le bo-doï mourir en paix. Pedoussaut lui fait une morphine. Je lui suggère :
- Mettez lui donc une fiche de soins, avec mention du 1er BEP. Il y a longtemps que les Viets nous ont identifiés, et ça peut faire préserver ceux de nos blessés qui tomberaient entre leurs mains…
* Pour des raisons de sécurité les corps de grenades et les bouchons-allumeurs étaient largués séparément. Mais le chargement de l’avion aurait pu être mieux conçu, par exemple un colis de grenade suivi de prés d’un colis de bouchons-allumeurs. Manifestement, l’aviation de transport et de chasse est aussi occupée ailleurs. Nous saurons plus tard pourquoi.
** Il s’agit du 1er Tabor se repliant du poste ouest de Dong Khé pour aller vers Lepage et le 8ème RTM installés sur 765. Le 1er Tabor n’avait pas reçu le message envoyé dans l’après-midi du 2 octobre lui donnant ordre de décrocher pour gagner 760 ou il ferait jonction avec Lepage partant à la rencontre de Charton. Les défaillances de transmissions seront nombreuses au cours de cette opération.
Ce texte est la propriété exclusive de son auteur et tout ou partie de celui ci ne pourra être utilisé sans l'accord express de l'auteur
© CBA Stien.
Dernière édition par Ramuncho le Mar 5 Oct - 15:35, édité 3 fois
Ramuncho- Messages : 650
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: Po Ma, premice de la RC4
Ainsi le 246 de Po Ma est remonté jusqu’ici pour renforcer la 308 et son bataillon lourd *
Le nombre important des blessés est une nouvelle donne : avec ceux du 11ème Tabor , cela en fait plus d’une centaine qui sont maintenant regroupés dans les ruines du poste de Na Pa. Parmi eux, une quarantaine sont a transporter. Beaucoup ont besoin d’une opération pour avoir une chance de vivre. En outre, ils nous enlèvent toute mobilité. Dans un terrain pareil, il faut au moins 8 hommes par brancard. De quoi occuper plus de la moitié des hommes valides, et ralentir notre allure à 1 kilomètre à l’heure. Les viets, débarassés du soucis de leurs blessés transportés à l’arrière par leur armée de coolies, ont alors une supériorité de vitesse de déplacement écrasante.
Delcros, Segrétain, et Jeanpierre sont d’accord :
- 1) notre maintien sur le Na Kéo ne suffit pas à fixer les forces adverses
- 2) De toutes façons, le Na Kéo tombera en 24 ou 36 heures, anéantissant le BEP et enlevant ainsi aux faibles forces de Lepage une troupe qui pourrait le renforcer à l’avant.
- 3) Il faut pouvoir rejoindre Lepage sans la charge des blessés.
- 4) Pas question d’abandonner ceux-ci aux viets.
La solution serait donc de se replier de nuit vers le col de Lung Phaï, d’y laisser les blessés qui seront évacués sur That Khé par les goums qui tiennent le col et 703, tandis que les hommes en état de combattre rejoindraient Lepage en passant à l’ouest de la barrière de calcaire. Le terrain y est plus facile et permettrait de rejoindre Lepage et Charton très rapidement.
« Bayard » accepte la solution, et Jeanpierre fait transmettre verbalement les ordres aux commandants de compagnie. Silence radio pour ce mouvement, mais au contraire activité de radio pouvant laisser croire à l’adversaire que nous renforçons notre défense. Claveranne, l’artilleur, reçoit l’ordre de tirer ses obus sur Dong Khé puis de saboter sa pièce montée à Na Pa.
C’est la 2 qui quittera le Na Kéo en dernier, en simulant jusque là une activité sur l’ensemble de notre position.
Nous sommes le 4 octobre, le décrochage commence vers 3 heures du matin. Il crachine. Je descends la pente raide du Na Kéo et rencontre Claveranne qui, la mort dans l’âme, sabote sa pièce. Il a glissé dans l’âme du canon une grenade incendiaire spéciale qui fait fondre l’acier et soude la culasse au tube. Dans la clarté rougeâtre qui sort du tube, je vois l’artilleur s’essuyer les yeux.
Le sous groupement Delcros s’engage dans la 73/2. En tête ceux du 11ème Tabor, le 8ème RTM (restant de la Cie Feuillet), les blessés, le BEP suivra. Jeanpierre part vers l’avant avec Delcros.
Tout se passe d’abord bien, les premiers groupes ont déjà traversé le sinistre défilé et grimpent vers le col de Lung Phaï. Puis c’est la fusillade, la cohue, la déroute. Les nord-africains refluent en désordre, larguant les blessés, bousculant les unités qui attendent. Les mulets abandonnés ruent et braient. Le vrai bordel.
Je rejoins le Commandant Segrétain qui a auprès de lui les Capitaine Garrigues et de Saint Etienne. On évalue la densité du feu. Le bruit est important mais le tir en réalité est assez faible. Je distingue le tir nourri d’une mitrailleuse et un tir espacé d’infanterie, mais l’écho de ce cirque calcaire en fait un grondement impressionnant. Je connais bien la 73/2 que les légionnaires du III / 3REI appelaient le boulevard de la mort. Des embuscades limitées mais meurtrières y attendaient fréquemment les ouvertures de route en 48 et 49, à l’époque des convois. Le terrain est tel qu’il n’y a pas de champ de tir, et qu’il ne peut y avoir qu’un nombre restreint d’adversaires. Que le détachement disparate et démoralisé engagé s’y soit débandé n’est pas la preuve d’une embuscade puissante **
Mais la cohue, et le désordre mis par les éléments affolés qui refluent empêchent toute action organisée pour tenter le passage en force. Delcros et Jeanpierre ont disparu. Une décision rapide s’impose, car les Viets vdu Na Khéo ne vont pas tarder à se rendre compte que la voie est libre, on ne peut rester longtemps dans ce fond.
Le Commandant Segrétain prend liaison avec le Colonel Lepage. L’ordre est de le rejoindre sur 765. Cornuault que l’on avait chargé sur un brêle dans la colonne de blessés, nous rejoint en claudiquant.
La colonne se reforme donc pour prendre cette direction, tandis que la seconde pièce de 3 pouces 7 est sabotée à son tour. Il faut quitter la route et rechercher des sentiers qui iraient vers le nord-ouest. Nous marchons à 500 mètres à l’heure. Les blessés brancardés sont ballottés, tombent, sont ramassés. Ils serrent un mouchoir dans leurs dents pour éviter de crier. Quand le jour grisaille, nous n,e sommes qu’à mi-pente. On crie du haut du Na Kéo. Quelques bo-doïs y sont debout et agitent les bras. Les Viets, méfiants, ont d’abord envoyé une patrouille, elle est en train de signaler notre absence de la position. Devant cet imprévu, le Commandement Viet cafouille manifestement. Il ne réagit pas, nous ne sommes pas poursuivis. Les Viets sont sans doute eux aussi épuisés.
La progression est un calvaire. On fait du sur place, on dort debout, certains s’écroulent au moindre arrêt, morts de fatigue, il faut les rudoyer pour qu’ils se relévent.
Ce texte est la propriété exclusive de son auteur et tout ou partie de celui ci ne pourra être utilisé sans l'accord express de l'auteur
© CBA Stien.
Le nombre important des blessés est une nouvelle donne : avec ceux du 11ème Tabor , cela en fait plus d’une centaine qui sont maintenant regroupés dans les ruines du poste de Na Pa. Parmi eux, une quarantaine sont a transporter. Beaucoup ont besoin d’une opération pour avoir une chance de vivre. En outre, ils nous enlèvent toute mobilité. Dans un terrain pareil, il faut au moins 8 hommes par brancard. De quoi occuper plus de la moitié des hommes valides, et ralentir notre allure à 1 kilomètre à l’heure. Les viets, débarassés du soucis de leurs blessés transportés à l’arrière par leur armée de coolies, ont alors une supériorité de vitesse de déplacement écrasante.
Delcros, Segrétain, et Jeanpierre sont d’accord :
- 1) notre maintien sur le Na Kéo ne suffit pas à fixer les forces adverses
- 2) De toutes façons, le Na Kéo tombera en 24 ou 36 heures, anéantissant le BEP et enlevant ainsi aux faibles forces de Lepage une troupe qui pourrait le renforcer à l’avant.
- 3) Il faut pouvoir rejoindre Lepage sans la charge des blessés.
- 4) Pas question d’abandonner ceux-ci aux viets.
La solution serait donc de se replier de nuit vers le col de Lung Phaï, d’y laisser les blessés qui seront évacués sur That Khé par les goums qui tiennent le col et 703, tandis que les hommes en état de combattre rejoindraient Lepage en passant à l’ouest de la barrière de calcaire. Le terrain y est plus facile et permettrait de rejoindre Lepage et Charton très rapidement.
« Bayard » accepte la solution, et Jeanpierre fait transmettre verbalement les ordres aux commandants de compagnie. Silence radio pour ce mouvement, mais au contraire activité de radio pouvant laisser croire à l’adversaire que nous renforçons notre défense. Claveranne, l’artilleur, reçoit l’ordre de tirer ses obus sur Dong Khé puis de saboter sa pièce montée à Na Pa.
C’est la 2 qui quittera le Na Kéo en dernier, en simulant jusque là une activité sur l’ensemble de notre position.
Nous sommes le 4 octobre, le décrochage commence vers 3 heures du matin. Il crachine. Je descends la pente raide du Na Kéo et rencontre Claveranne qui, la mort dans l’âme, sabote sa pièce. Il a glissé dans l’âme du canon une grenade incendiaire spéciale qui fait fondre l’acier et soude la culasse au tube. Dans la clarté rougeâtre qui sort du tube, je vois l’artilleur s’essuyer les yeux.
Le sous groupement Delcros s’engage dans la 73/2. En tête ceux du 11ème Tabor, le 8ème RTM (restant de la Cie Feuillet), les blessés, le BEP suivra. Jeanpierre part vers l’avant avec Delcros.
Tout se passe d’abord bien, les premiers groupes ont déjà traversé le sinistre défilé et grimpent vers le col de Lung Phaï. Puis c’est la fusillade, la cohue, la déroute. Les nord-africains refluent en désordre, larguant les blessés, bousculant les unités qui attendent. Les mulets abandonnés ruent et braient. Le vrai bordel.
Je rejoins le Commandant Segrétain qui a auprès de lui les Capitaine Garrigues et de Saint Etienne. On évalue la densité du feu. Le bruit est important mais le tir en réalité est assez faible. Je distingue le tir nourri d’une mitrailleuse et un tir espacé d’infanterie, mais l’écho de ce cirque calcaire en fait un grondement impressionnant. Je connais bien la 73/2 que les légionnaires du III / 3REI appelaient le boulevard de la mort. Des embuscades limitées mais meurtrières y attendaient fréquemment les ouvertures de route en 48 et 49, à l’époque des convois. Le terrain est tel qu’il n’y a pas de champ de tir, et qu’il ne peut y avoir qu’un nombre restreint d’adversaires. Que le détachement disparate et démoralisé engagé s’y soit débandé n’est pas la preuve d’une embuscade puissante **
Mais la cohue, et le désordre mis par les éléments affolés qui refluent empêchent toute action organisée pour tenter le passage en force. Delcros et Jeanpierre ont disparu. Une décision rapide s’impose, car les Viets vdu Na Khéo ne vont pas tarder à se rendre compte que la voie est libre, on ne peut rester longtemps dans ce fond.
Le Commandant Segrétain prend liaison avec le Colonel Lepage. L’ordre est de le rejoindre sur 765. Cornuault que l’on avait chargé sur un brêle dans la colonne de blessés, nous rejoint en claudiquant.
La colonne se reforme donc pour prendre cette direction, tandis que la seconde pièce de 3 pouces 7 est sabotée à son tour. Il faut quitter la route et rechercher des sentiers qui iraient vers le nord-ouest. Nous marchons à 500 mètres à l’heure. Les blessés brancardés sont ballottés, tombent, sont ramassés. Ils serrent un mouchoir dans leurs dents pour éviter de crier. Quand le jour grisaille, nous n,e sommes qu’à mi-pente. On crie du haut du Na Kéo. Quelques bo-doïs y sont debout et agitent les bras. Les Viets, méfiants, ont d’abord envoyé une patrouille, elle est en train de signaler notre absence de la position. Devant cet imprévu, le Commandement Viet cafouille manifestement. Il ne réagit pas, nous ne sommes pas poursuivis. Les Viets sont sans doute eux aussi épuisés.
La progression est un calvaire. On fait du sur place, on dort debout, certains s’écroulent au moindre arrêt, morts de fatigue, il faut les rudoyer pour qu’ils se relévent.
Ce texte est la propriété exclusive de son auteur et tout ou partie de celui ci ne pourra être utilisé sans l'accord express de l'auteur
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Dernière édition par Ramuncho le Jeu 7 Oct - 9:19, édité 1 fois
Ramuncho- Messages : 650
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: Po Ma, premice de la RC4
Avec le jour, Jeanpierre et Delcros rejoignent. Pris dans le tir sur la 73/2, ils ont plongé dans le ravin. Ne voyant pas venir d’attaque pour forcer le passage, ils ont pensé que nous irions vers Lepage. Vers midi, 765 est en vue et le contact radio est pris sans difficulté avec Lepage, tout proche. La colonne stoppe pour faire reposer les blessés et les porteurs pendant que le Commandant Delcros va au P.C de « Bayard ».
Il revient bientôt avec des nouvelles et des instructions : la colonne Charton a quitté la RC4, elle doit emprunter une piste à l’ouest de celle-là, la piste de Qunang Liet. Lepage va partir à l’ouest vers Co Xa et nous le suivrons, avec dans l’ordre les blessés, le 11ème Tabor puis le BEP. Une compagnie du 8ème RTM tient 765, elle ne décrochera qu’après notre passage. « Bayard » envoie son Chef d’Etat-Major, le Commandant Labataille, à notre rencontre pour nous guider
L’affaire peut donc encore être sauvée : notre groupement va être réuni et pouvoir opposer à ses adversaires une masse de 3 bataillons en attendant Charton qui descend vers nous avec une force égale *.
Et c’est la tuile ! Labataille ne nous trouve pas. Lepage part sans nous attendre, la compagnie Guidon, du 8ème RTM qui tenait 765 le suit. Quand nous arrivons prés de 765, les Viets y sont installés et nous prennent à partie **.
La route vers Lepage est coupée. Voila donc la jonction essentielle, vitale, qui est ratée, le BEP et les blessés rejetés dans la jungle ***.
Au PC du BEP ue Delcros a rejoint, c’est la colère et la consternation. On arrive à joindre Lepage par radio. Un message presque inaudible répond, ou l’on comprend seulement « Ordre de rejoindre par un autre itinéraire… » . Un autre itinéraire pour aller ou, pour quelle mission ? Notre radio rappelle à plusieurs reprises, aucune réponse, Lepage ne nous reçoit plus.
Il nous faut repartir sans savoir ou aller, isolés, avec nos cent blessés qu’il faut porter ou aider, avec nos hommes crevés de fatigue, tenaillés par la faim, qui donneraient 10 ans de leur vie pour une heure de sommeil.
Delcros, Segrétain et Jeanpierre sont d’accord. On repart vers le sud pour trouver un passage dans la barrière de calcaire et la franchir vers l’ouest. Nous serons alors dans la vallée de Quang Liet que Charton doit emprunter. Là, nous pourront espérer retrouver le contact par radio avec Lepage.
La lente procession reprend en sens inverse avec le gémissement des brancardés, les blessés qu’il faut soutenir, en dehors de toute piste ou sentier. Ce n’est que tard dans la nuit que nous arrivons au sommet des calcaires à un endroit ou l’on devine une mince faille qui pourrait peut être nous permettre de trouver un itinéraire vers la vallée. Avec le jour naissant, les goumiers se faufilent vers le bas, bientôt suivis du peloton, tandis que le bataillon s’installe en défensive et que l’officier de Transmissions, le Lieutenant de la Croix Vaubois tente sans cesse « d’accrocher » la radio de Lepage.
Le Médecin-Capitaine Pédoussaut s’est établi sous un surplomb de rocher, une demi-grotte, ou avec ses infirmiers et son collègue Levy du 11ème Tabor il soigne sans arrêt les blessés graves qu’on lui amène. Je le vois terminer une opération sur le Lieutenant de Cazenove, du 11ème Tabor, atteint gravement au bras, sur le Na Kéo.
533
Je rejoins à mi-pente La Croix Vaubois et nous observons ensemble le terrain. Devant nous, en contre-bas, la « vallée » de Quang Liet, une étroite bande de terre enserrée entre notre falaise calcaire et des collines couvertes d’herbe à paillote et de taillis bas. Nous identifions la cote 533, face à nous, à 400 mètres environ. Aucun signe de présence adverse, mais nous sommes bien d’accord que si notre attente doit se prolonger, il serait bon que nous contrôlions cette colline. Si les Viets s’y installaient, le BEP et le convoi de blessés seraient bloqués sur la falaise. J’ai toujours en tête la présence de deux régiments ennemis à l’ouest de That Khé qui vont inévitablement entrer dans la danse. Tout le groupement Lepage a quitté la cuvette de Dong Khé pour se porter vers l’ouest, Charton a pris la piste de Quang Liet, il est évident que l’affaire se réglera sur celle-ci. Les réserves viets de l’ouest vont nécessairement se mettre en marche, si ce n’est déjà fait.
Aussi, dans l’attente d’un ordre de mouvement, le P.C du BEP décide d’envoyer un élément sur 533 afin de pouvoir observer d’éventuels mouvements ennemis. La 1ère Cie y envoie la section Tchabrichvili, qui s’y installe vers 9 heures du matin. Le Lieutenant Tchabrichvili est un géorgien, racé, mince et musclé, guerrier confirmé. Pendant ce temps, faute de contact radio, nous envoyons à Lepage des messages « en l’air », donnant notre position et demandant des instructions. Nous demandons aussi que l’on vienne chercher les blessés afin de récupérer notre mobilité.
A 4 kilomètres au nord, nous voyons un parachutage de matériel au dessus des falaises. Lepage est donc là, Charton est en route depuis le 3 octobre au matin, voila plus de 48 heures, il ne doit plus être loin, il devrait même déjà être là, nous ne sommes qu’à 35 kilomètres de Cao Bang. Pour le P.C du BEP, l’occupation solide de 477, en face de Co Xa et sur la route de Charton est essentielle. Et il faudrait le faire rapidement, tout le groupement Lepage réuni. En outre, si Langson envoie un fort élément vers Ban Ca ou Na Kao, la partie est gagnée. Il reste quand même au Tonkin 7 à 8 bataillons de réserve générale, dont deux de parachutistes ! Je suis toujours optimiste. J’ignorais que toute la réserve du Tonkin a été engagée ailleurs, dans une opération qui s’avérera inutile, et qui de plus « pompe » nos moyens aériens.
Et puis en fin de matinée, nous voyons venir du nord un petit détachement : c’est le Lieutenant Lefébure et son adjoint, le sergent Rabut , qui avec leurs tringlots avaient volontairement constitué une demi-section pour accompagner Lepage dans cette opération. Notre message « en l’air » a été reçu, Lefébure avec ses coolies nous apporte un peu de vivres et est chargé de récupérer les blessés qu’il emmenera vers Lepage avec les quelques éléments du 11ème Tabor et du 8ème RTM qui sont avec nous. Il ne peut malheureusement pas nous donner d’informations précises quant à notre mission. Nous serons le recueil de Charton sur les crêtes à l’ouest des calcaires, mais ou ? 477, 533, Ban Ca, ? Seuls, ou avec Lepage, ou avec un renfort de That Khé ? On se retranche sur place ou on fait mouvement ? On préférerait voir rassembler nos forces et réaliser au plus tôt sur 477 la jonction ratée la veille à 765. Mais la radio est toujours muette.
* La garnison de Cao Bang a été renforcée par le 3ème Tabor, aérotransporté.
** Il s’agit du TD 102 et non des forces maintenant disponibles du Na Kéo, les TD 36 et 246. Le TD 36 « récupère » et n’a envoyé que quelques éléments vers l’ouest, qui n’ont pas encore trouvé le contact. Quant au 246, une partie ira faire pression sur le 3ème Goum du 11ème Tabor à Lung Phaï, puis reviendra ensuite dans la zone du Na Kéo. Le manque de poursuite active et immédiate par ces deux régiments montre à quel point ils ont été éprouvés sur le Na Kéo.
*** Le Capitaine Guidon qui tenait 765, ne peut être mis en cause. C’est un excellent officier, combattant chevronné. L’ordre qu’il a reçu était de décrocher quand la colonne serait passée. Lepage étant parti avant que la jonction ne se fasse, Guidon à décroché après son passage, croyant qu’il s’agissait de la fin de la colonne réunie. Il revenait évidemment au Colonel Lepage d’attendre la jonction avec le BEP avant de faire mouvement, ou tout au moins de ne faire décrocher 765 que sur ordre, une fois qu’il se soit assuré que la jonction était réalisée ou que le BEP avait dépassé 765. L’importance capitale de la réunion des deux sous-groupements justifiait quand même qu’on prenne toutes précautions utiles pour qu’elle se réalise.
Ce texte est la propriété exclusive de son auteur et tout ou partie de celui ci ne pourra être utilisé sans l'accord express de l'auteur
© CBA Stien.
Il revient bientôt avec des nouvelles et des instructions : la colonne Charton a quitté la RC4, elle doit emprunter une piste à l’ouest de celle-là, la piste de Qunang Liet. Lepage va partir à l’ouest vers Co Xa et nous le suivrons, avec dans l’ordre les blessés, le 11ème Tabor puis le BEP. Une compagnie du 8ème RTM tient 765, elle ne décrochera qu’après notre passage. « Bayard » envoie son Chef d’Etat-Major, le Commandant Labataille, à notre rencontre pour nous guider
L’affaire peut donc encore être sauvée : notre groupement va être réuni et pouvoir opposer à ses adversaires une masse de 3 bataillons en attendant Charton qui descend vers nous avec une force égale *.
Et c’est la tuile ! Labataille ne nous trouve pas. Lepage part sans nous attendre, la compagnie Guidon, du 8ème RTM qui tenait 765 le suit. Quand nous arrivons prés de 765, les Viets y sont installés et nous prennent à partie **.
La route vers Lepage est coupée. Voila donc la jonction essentielle, vitale, qui est ratée, le BEP et les blessés rejetés dans la jungle ***.
Au PC du BEP ue Delcros a rejoint, c’est la colère et la consternation. On arrive à joindre Lepage par radio. Un message presque inaudible répond, ou l’on comprend seulement « Ordre de rejoindre par un autre itinéraire… » . Un autre itinéraire pour aller ou, pour quelle mission ? Notre radio rappelle à plusieurs reprises, aucune réponse, Lepage ne nous reçoit plus.
Il nous faut repartir sans savoir ou aller, isolés, avec nos cent blessés qu’il faut porter ou aider, avec nos hommes crevés de fatigue, tenaillés par la faim, qui donneraient 10 ans de leur vie pour une heure de sommeil.
Delcros, Segrétain et Jeanpierre sont d’accord. On repart vers le sud pour trouver un passage dans la barrière de calcaire et la franchir vers l’ouest. Nous serons alors dans la vallée de Quang Liet que Charton doit emprunter. Là, nous pourront espérer retrouver le contact par radio avec Lepage.
La lente procession reprend en sens inverse avec le gémissement des brancardés, les blessés qu’il faut soutenir, en dehors de toute piste ou sentier. Ce n’est que tard dans la nuit que nous arrivons au sommet des calcaires à un endroit ou l’on devine une mince faille qui pourrait peut être nous permettre de trouver un itinéraire vers la vallée. Avec le jour naissant, les goumiers se faufilent vers le bas, bientôt suivis du peloton, tandis que le bataillon s’installe en défensive et que l’officier de Transmissions, le Lieutenant de la Croix Vaubois tente sans cesse « d’accrocher » la radio de Lepage.
Le Médecin-Capitaine Pédoussaut s’est établi sous un surplomb de rocher, une demi-grotte, ou avec ses infirmiers et son collègue Levy du 11ème Tabor il soigne sans arrêt les blessés graves qu’on lui amène. Je le vois terminer une opération sur le Lieutenant de Cazenove, du 11ème Tabor, atteint gravement au bras, sur le Na Kéo.
533
Je rejoins à mi-pente La Croix Vaubois et nous observons ensemble le terrain. Devant nous, en contre-bas, la « vallée » de Quang Liet, une étroite bande de terre enserrée entre notre falaise calcaire et des collines couvertes d’herbe à paillote et de taillis bas. Nous identifions la cote 533, face à nous, à 400 mètres environ. Aucun signe de présence adverse, mais nous sommes bien d’accord que si notre attente doit se prolonger, il serait bon que nous contrôlions cette colline. Si les Viets s’y installaient, le BEP et le convoi de blessés seraient bloqués sur la falaise. J’ai toujours en tête la présence de deux régiments ennemis à l’ouest de That Khé qui vont inévitablement entrer dans la danse. Tout le groupement Lepage a quitté la cuvette de Dong Khé pour se porter vers l’ouest, Charton a pris la piste de Quang Liet, il est évident que l’affaire se réglera sur celle-ci. Les réserves viets de l’ouest vont nécessairement se mettre en marche, si ce n’est déjà fait.
Aussi, dans l’attente d’un ordre de mouvement, le P.C du BEP décide d’envoyer un élément sur 533 afin de pouvoir observer d’éventuels mouvements ennemis. La 1ère Cie y envoie la section Tchabrichvili, qui s’y installe vers 9 heures du matin. Le Lieutenant Tchabrichvili est un géorgien, racé, mince et musclé, guerrier confirmé. Pendant ce temps, faute de contact radio, nous envoyons à Lepage des messages « en l’air », donnant notre position et demandant des instructions. Nous demandons aussi que l’on vienne chercher les blessés afin de récupérer notre mobilité.
A 4 kilomètres au nord, nous voyons un parachutage de matériel au dessus des falaises. Lepage est donc là, Charton est en route depuis le 3 octobre au matin, voila plus de 48 heures, il ne doit plus être loin, il devrait même déjà être là, nous ne sommes qu’à 35 kilomètres de Cao Bang. Pour le P.C du BEP, l’occupation solide de 477, en face de Co Xa et sur la route de Charton est essentielle. Et il faudrait le faire rapidement, tout le groupement Lepage réuni. En outre, si Langson envoie un fort élément vers Ban Ca ou Na Kao, la partie est gagnée. Il reste quand même au Tonkin 7 à 8 bataillons de réserve générale, dont deux de parachutistes ! Je suis toujours optimiste. J’ignorais que toute la réserve du Tonkin a été engagée ailleurs, dans une opération qui s’avérera inutile, et qui de plus « pompe » nos moyens aériens.
Et puis en fin de matinée, nous voyons venir du nord un petit détachement : c’est le Lieutenant Lefébure et son adjoint, le sergent Rabut , qui avec leurs tringlots avaient volontairement constitué une demi-section pour accompagner Lepage dans cette opération. Notre message « en l’air » a été reçu, Lefébure avec ses coolies nous apporte un peu de vivres et est chargé de récupérer les blessés qu’il emmenera vers Lepage avec les quelques éléments du 11ème Tabor et du 8ème RTM qui sont avec nous. Il ne peut malheureusement pas nous donner d’informations précises quant à notre mission. Nous serons le recueil de Charton sur les crêtes à l’ouest des calcaires, mais ou ? 477, 533, Ban Ca, ? Seuls, ou avec Lepage, ou avec un renfort de That Khé ? On se retranche sur place ou on fait mouvement ? On préférerait voir rassembler nos forces et réaliser au plus tôt sur 477 la jonction ratée la veille à 765. Mais la radio est toujours muette.
* La garnison de Cao Bang a été renforcée par le 3ème Tabor, aérotransporté.
** Il s’agit du TD 102 et non des forces maintenant disponibles du Na Kéo, les TD 36 et 246. Le TD 36 « récupère » et n’a envoyé que quelques éléments vers l’ouest, qui n’ont pas encore trouvé le contact. Quant au 246, une partie ira faire pression sur le 3ème Goum du 11ème Tabor à Lung Phaï, puis reviendra ensuite dans la zone du Na Kéo. Le manque de poursuite active et immédiate par ces deux régiments montre à quel point ils ont été éprouvés sur le Na Kéo.
*** Le Capitaine Guidon qui tenait 765, ne peut être mis en cause. C’est un excellent officier, combattant chevronné. L’ordre qu’il a reçu était de décrocher quand la colonne serait passée. Lepage étant parti avant que la jonction ne se fasse, Guidon à décroché après son passage, croyant qu’il s’agissait de la fin de la colonne réunie. Il revenait évidemment au Colonel Lepage d’attendre la jonction avec le BEP avant de faire mouvement, ou tout au moins de ne faire décrocher 765 que sur ordre, une fois qu’il se soit assuré que la jonction était réalisée ou que le BEP avait dépassé 765. L’importance capitale de la réunion des deux sous-groupements justifiait quand même qu’on prenne toutes précautions utiles pour qu’elle se réalise.
Ce texte est la propriété exclusive de son auteur et tout ou partie de celui ci ne pourra être utilisé sans l'accord express de l'auteur
© CBA Stien.
Dernière édition par Ramuncho le Sam 9 Oct - 10:05, édité 1 fois
Ramuncho- Messages : 650
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: Po Ma, premice de la RC4
Cette insuffisance des transmissions, du fait de la nature du terrain, mais aussi par manque d’aviation, sera le principal allié des Viets. Un « Criquet » ou même un P.C. volant auraient permis le relais immédiat des messages. Faute de cette présence, non seulement les Viets se déplacent librement et rapidement en échappant à nos vues terrestres, mais encore nous perdons un temps précieux en attente d’instructions.
Vers 15 heures, Lefébure repart vers Lepage avec les blessés, renforcé de la section Cornuault, commandée maintenant par le Chef Gouverneur, à titre d’escorte. Et enfin, vers 17-18 heures, la liaison radio avec Lepage est établie : le BEP ira occuper 477, mais seul. Le Colonel Lepage, qui subit une pression viet venant de l’est *, reste retranché à Co Xa.
Les ordres sont donnés rapidement, car il s’agit de faire vite pour avoir le temps de s’organiser sur notre prochaine position. Le peloton, les partisans, le P.C. et la 1ère Compagnie sont déjà en bas, équipés et prêt à partir, quand un formidable hurlement d’assaut retentit sur 533, immédiatement suivi d’une intense fusillade. Les P.M et les F.M tirent à chargeurs complets, les grenades explosent. « Tchabrich » est massivement attaqué, sans qu’aucune approche de viets n’ait été décelée. Jeanpierre emmène immédiatement le monde disponible à la contre-attaque. Le tir a déjà cessé là-haut quand nous déboulons sur le sommet. Les viets surpris disparaissent dans les talwegs. En quelques minutes la section Tchabrichvili a été anéantie, nous ne trouvons vivants que deux légionnaires haletants, choqués par les explosions de grenades. Dans le jour qui tombe je trouve le corps de Tchabrichvili, étendu sur le dos. Il à toujours à la ceinture sa « hachette de guerre », mais son pistolet, un Lüger P.08 avec une dragonne de suspente tressée a disparu.
Jeanpierre organise rapidement la position, car les Viets sont là autour, on sent quie ça grouille en dessous de nous. Le sauvage hurlement d’assaut que nous avons entendu était énorme , inouï, celui de plusieurs centaines d’hommes à coup sur.
La nuit est complétement tombée quand je m’installe avec mon groupe de partisans en face d’une coulée, voie d’attaque possible. Derrière moi le P.C de la 1ère Compagnie, avec le Capitaine Guarrigues, le Capitaine Devaux ** et les mortiers de 60. Le sergent Holland me touche le bras :
- Hoï est descendu chez les viets, avec Moustique. Il revient dans dix minutes.
Ca, c’est du Hoï tout pur. C’est un combattant extraordinaire, bourré d’audace et d’initiative. Ancien sous officier viet, il ne s’accommodait évidemment pas, chez ses anciens condisciples, de la rigueur et de la discipline exigée des bo-doïs. Il a besoin de sa liberté de mouvement et le mieux que l’on ait à faire et de la lui laisser. Moustique, c’est son compagnon de coups tordus, tellement petit et fluet qu’on est toujours étonné de le voir descendre en parachute.
Au bout de dix minutes, un léger sifflement et mes deux hommes rejoignent en rampant. Hoï me rend compte.
- Ils sont beaucoup, mon Lieutenant, beaucoup, là en bas, tout prés. Peut-être deux cents, troius cents. Ils vont attaquer. Par ici. Partout.
Il ajoute :
- J’ai récupéré ça.
C’est le pistolet de Tchabrichvili, avec sa dragonne de suspente tressée. Hoï voulait il ramener un trophée, une preuve de sa patrouille dans les rangs ennemis ? Il a poignardé un officier viet et récupéré son pistolet. Hasard ? C’était celui de mon ami « Tchabrich ».
- C’est bien. Tu peux le garder. Il est à toi.
Il sourit ravi d’être propriétaire d’une si belle arme.
Je préviens le Capitaine Garrigues de l’attaque imminente et il me renforce d’un F.M qui se place avec nous face à la coulée. Le mortier de 60 est pointé, tube vertical, obus sortis des étuis, charge 0. Nous sommes fins prêts. Ce démon de Hoï propose :
- Je peux les appeler mon Lieutenant.
J’acquiesce, et il attire les assaillants en leur disant en Vietnamien, de la voix basse et complice d’un guide : « Par ici ! Par ici ! »
L’ombre du talweg s’épaissit et bouge. C’est une masse de corps serrés qui s’avance silencieusement dans la nuit. Trente mètres….vingt mètres… quinze…Feu !
Toutes nos armes crachent, nos grenades volent, le mortier aboie, c’est le carnage, les cris de douleurs et la déroute des bo-doïs.
Plus à notre droite, c’est un assaut contre toute la colline. Il persiste mais est finalement brisé par le feu de la 1ère et du peloton. La fusillade cesse enfin, nous comptons nos pertes. Hoï est accroupi prés de Moustique et lui tient la main. Il lui parle tendrement, comme à un enfant que l’on veut rassurer. Son compagnon à une balle dans le ventre et gémit doucement. Dans les conditions ou nous sommes, c’est la mort certaine.
Très au loin, au sud-ouest, une sonnerie de clairon déchire le silence, d’autres lui répondent de proche en proche jusqu’à nos abords. C’est lugubre. Il n’y a plus aucun doute : les forces viets de l’ouest sont maintenant là, nombreuses, mordantes, déterminées ainsi que l’on montré leurs assauts contre 533 ***
Le Commandant Segrétain et le Capitaine Jeanpierre font le tour de nos positions. Ils prennent contact avec le Colonel Lepage pour rendre compte de la nouvelle situation. Après ses pertes du Na Kéo, amputé depuis de deux sections, à court de munitions, le Bataillon peut difficilement aller de nuit occuper et tenir seul 477, position inconnue et inorganisée ****, pas plus qu’il ne pourra tenir longtemps ici, contre une masse considérable d’assaillants qui se rassemble.
Le Colonel Lepage donne l’ordre de rejoindre son groupement à Co Xa..
Le Capitaine Jeanpierre me fait décrocher en premier, pour rejoindre la 2 en contre-bas et aller avec elle vers Co Xa. Le P.C suivra avec le peloton, puis la 1ère Compagnie emmenera mon blessé avec les siens, la 3 fermera la marche.
En silence nous progressons derrière la 2 vers Co Xa, sur une étroite piste enserrée entre les collines et les calcaires.
Peu après, une fusillade éclate sur l’arrière. Les Viets ont coupé les sections Berthaud et Marce du gros du Bataillon, alors qu’elles descendaient de la falaise. Marce pourra rejoindre le lendemain mais Berthaud sera définitivement coupé et ira d’accrochage en embuscades jusqu’au 9 octobre.
* Par le TD 102 qui avait occupé la veille 765 et empêché la jonction du 1er BEP avec Lepage. Le TD 209 , qui à l’origine tenait la citadelle, est parti à la rencontre de Charton.
** Le Capitaine Devaux venait d’être affecté au BEP et devait remplacer le Capitaine Garrigues.
*** Les forces viets du front ouest comprennent les TD 88 et 174. C’est sa&ns doute le TD 88 qui a mené l’assaut contre 533. Le TD 88 fait partie de la Brigade 308 dont les Régiments 102 et 36 ont attaqué le Na Kéo les jours précédents.
**** Ainsi que le soulignera plus tard dans son rapport le Capitaine Jeanpierre, la situation aurait été considérablement différente si dés le matin du 5 octobre nous avions reçu l’ordre d’aller sur 477, à ce moment là la route était libre.
Ce texte est la propriété exclusive de son auteur et tout ou partie de celui ci ne pourra être utilisé sans l'accord express de l'auteur
© CBA Stien.
Vers 15 heures, Lefébure repart vers Lepage avec les blessés, renforcé de la section Cornuault, commandée maintenant par le Chef Gouverneur, à titre d’escorte. Et enfin, vers 17-18 heures, la liaison radio avec Lepage est établie : le BEP ira occuper 477, mais seul. Le Colonel Lepage, qui subit une pression viet venant de l’est *, reste retranché à Co Xa.
Les ordres sont donnés rapidement, car il s’agit de faire vite pour avoir le temps de s’organiser sur notre prochaine position. Le peloton, les partisans, le P.C. et la 1ère Compagnie sont déjà en bas, équipés et prêt à partir, quand un formidable hurlement d’assaut retentit sur 533, immédiatement suivi d’une intense fusillade. Les P.M et les F.M tirent à chargeurs complets, les grenades explosent. « Tchabrich » est massivement attaqué, sans qu’aucune approche de viets n’ait été décelée. Jeanpierre emmène immédiatement le monde disponible à la contre-attaque. Le tir a déjà cessé là-haut quand nous déboulons sur le sommet. Les viets surpris disparaissent dans les talwegs. En quelques minutes la section Tchabrichvili a été anéantie, nous ne trouvons vivants que deux légionnaires haletants, choqués par les explosions de grenades. Dans le jour qui tombe je trouve le corps de Tchabrichvili, étendu sur le dos. Il à toujours à la ceinture sa « hachette de guerre », mais son pistolet, un Lüger P.08 avec une dragonne de suspente tressée a disparu.
Jeanpierre organise rapidement la position, car les Viets sont là autour, on sent quie ça grouille en dessous de nous. Le sauvage hurlement d’assaut que nous avons entendu était énorme , inouï, celui de plusieurs centaines d’hommes à coup sur.
La nuit est complétement tombée quand je m’installe avec mon groupe de partisans en face d’une coulée, voie d’attaque possible. Derrière moi le P.C de la 1ère Compagnie, avec le Capitaine Guarrigues, le Capitaine Devaux ** et les mortiers de 60. Le sergent Holland me touche le bras :
- Hoï est descendu chez les viets, avec Moustique. Il revient dans dix minutes.
Ca, c’est du Hoï tout pur. C’est un combattant extraordinaire, bourré d’audace et d’initiative. Ancien sous officier viet, il ne s’accommodait évidemment pas, chez ses anciens condisciples, de la rigueur et de la discipline exigée des bo-doïs. Il a besoin de sa liberté de mouvement et le mieux que l’on ait à faire et de la lui laisser. Moustique, c’est son compagnon de coups tordus, tellement petit et fluet qu’on est toujours étonné de le voir descendre en parachute.
Au bout de dix minutes, un léger sifflement et mes deux hommes rejoignent en rampant. Hoï me rend compte.
- Ils sont beaucoup, mon Lieutenant, beaucoup, là en bas, tout prés. Peut-être deux cents, troius cents. Ils vont attaquer. Par ici. Partout.
Il ajoute :
- J’ai récupéré ça.
C’est le pistolet de Tchabrichvili, avec sa dragonne de suspente tressée. Hoï voulait il ramener un trophée, une preuve de sa patrouille dans les rangs ennemis ? Il a poignardé un officier viet et récupéré son pistolet. Hasard ? C’était celui de mon ami « Tchabrich ».
- C’est bien. Tu peux le garder. Il est à toi.
Il sourit ravi d’être propriétaire d’une si belle arme.
Je préviens le Capitaine Garrigues de l’attaque imminente et il me renforce d’un F.M qui se place avec nous face à la coulée. Le mortier de 60 est pointé, tube vertical, obus sortis des étuis, charge 0. Nous sommes fins prêts. Ce démon de Hoï propose :
- Je peux les appeler mon Lieutenant.
J’acquiesce, et il attire les assaillants en leur disant en Vietnamien, de la voix basse et complice d’un guide : « Par ici ! Par ici ! »
L’ombre du talweg s’épaissit et bouge. C’est une masse de corps serrés qui s’avance silencieusement dans la nuit. Trente mètres….vingt mètres… quinze…Feu !
Toutes nos armes crachent, nos grenades volent, le mortier aboie, c’est le carnage, les cris de douleurs et la déroute des bo-doïs.
Plus à notre droite, c’est un assaut contre toute la colline. Il persiste mais est finalement brisé par le feu de la 1ère et du peloton. La fusillade cesse enfin, nous comptons nos pertes. Hoï est accroupi prés de Moustique et lui tient la main. Il lui parle tendrement, comme à un enfant que l’on veut rassurer. Son compagnon à une balle dans le ventre et gémit doucement. Dans les conditions ou nous sommes, c’est la mort certaine.
Très au loin, au sud-ouest, une sonnerie de clairon déchire le silence, d’autres lui répondent de proche en proche jusqu’à nos abords. C’est lugubre. Il n’y a plus aucun doute : les forces viets de l’ouest sont maintenant là, nombreuses, mordantes, déterminées ainsi que l’on montré leurs assauts contre 533 ***
Le Commandant Segrétain et le Capitaine Jeanpierre font le tour de nos positions. Ils prennent contact avec le Colonel Lepage pour rendre compte de la nouvelle situation. Après ses pertes du Na Kéo, amputé depuis de deux sections, à court de munitions, le Bataillon peut difficilement aller de nuit occuper et tenir seul 477, position inconnue et inorganisée ****, pas plus qu’il ne pourra tenir longtemps ici, contre une masse considérable d’assaillants qui se rassemble.
Le Colonel Lepage donne l’ordre de rejoindre son groupement à Co Xa..
Le Capitaine Jeanpierre me fait décrocher en premier, pour rejoindre la 2 en contre-bas et aller avec elle vers Co Xa. Le P.C suivra avec le peloton, puis la 1ère Compagnie emmenera mon blessé avec les siens, la 3 fermera la marche.
En silence nous progressons derrière la 2 vers Co Xa, sur une étroite piste enserrée entre les collines et les calcaires.
Peu après, une fusillade éclate sur l’arrière. Les Viets ont coupé les sections Berthaud et Marce du gros du Bataillon, alors qu’elles descendaient de la falaise. Marce pourra rejoindre le lendemain mais Berthaud sera définitivement coupé et ira d’accrochage en embuscades jusqu’au 9 octobre.
* Par le TD 102 qui avait occupé la veille 765 et empêché la jonction du 1er BEP avec Lepage. Le TD 209 , qui à l’origine tenait la citadelle, est parti à la rencontre de Charton.
** Le Capitaine Devaux venait d’être affecté au BEP et devait remplacer le Capitaine Garrigues.
*** Les forces viets du front ouest comprennent les TD 88 et 174. C’est sa&ns doute le TD 88 qui a mené l’assaut contre 533. Le TD 88 fait partie de la Brigade 308 dont les Régiments 102 et 36 ont attaqué le Na Kéo les jours précédents.
**** Ainsi que le soulignera plus tard dans son rapport le Capitaine Jeanpierre, la situation aurait été considérablement différente si dés le matin du 5 octobre nous avions reçu l’ordre d’aller sur 477, à ce moment là la route était libre.
Ce texte est la propriété exclusive de son auteur et tout ou partie de celui ci ne pourra être utilisé sans l'accord express de l'auteur
© CBA Stien.
Dernière édition par Ramuncho le Lun 11 Oct - 9:38, édité 1 fois
Ramuncho- Messages : 650
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: Po Ma, premice de la RC4
Co Xa
C’est donc un BEP à effectif réduit qui à l’aube emprunte le sentier qui grimpe raide vers le cirque de Co Xa. Le terrain est extraordinaire. La falaise fait jusqu’à cent mètres de haut. A mi-hauteur, le sentier débouche sur un palier ou une source claire cascade dans une vasque de rocher. Nous y rencontrons les premières troupes de Lepage, une section de mitrailleuses du 8ème RTM, armes braquées sur le sentier. Puis plus haut on arrive dans un cirque verdoyant, de 4 500 mètres de large, ceinturé et dominé de 20 à 30 mètres par des éboulis calcaires que tient le 1er Tabor. Pas ou peu de coups de feu, le soleil d’automne, une herbe rase et bien verte, l’eau abandonte et pure, le cadre est reposant, même sécurisant.
- Un vrai trou à rats, grommelle Jeanpierre, en guerrier averti.
On y est en effet en sécurité comme dans la cour d’un château fort, tant que l’adversaire n’occupe pas les remparts ou les portes ! De plus, il ne s’agit pas maintenant de tenir une forteresse, mais de rejoindre That Khé avec Charton.
Les compagnies se voient rapidement affecter un coin de repos. Pendant qu’elles s’installent, je vais avec le Commandant Segrétain et le Capitaine Jeanpierre au P.C. du Colonel Lepage. C’est un homme fatigué et inquiet que nous trouvons. Nous sommes le 6 Octobre, et il n’a toujours pas de contact radio avec la colonne Charton. Une centaine de blessés graves sont maintenant regroupés à Co Xa, la plupart des coolies ont disparu, il faudrait la moitié des forces disponibles pour assurer le brancardage ou alors les abandonner. Lepage n’a pu se résoudre à quitter la cuvette. A présent, au lieu d’assurer le recueil de Charton, il compte sur l’arrivée de celui-ci pour être recueilli. Mais la colonne Charton tarde, plus de trois jours après son départ de Cao Bang, elle n’est toujours pas en vue.
Lepage nous apprend que pendant que nous montions vers Dong Khé, une grande opération était menée dans le nord du delta, pour attirer les troupes viets paraît il. Il vient de l’apprendre. Thaï Nguyen est occupée *.
Nous revenons auprés de nos hommes, qui se recomplètent en munitions. Une boite de ration (un repas) pour deux a été distribuée, c’est le menu de la journée, plus de la moitié du parachutage de la veille est tombé chez les viets. On créve de faim…sauf au groupe de partisans qui a vite repéré dans la cuvette un petit jardin de manioc qui est resté intact depuis deux jours au milieu de centaines d’hommes affamés. On m’apporte bientôt les succulentes racines cuites sous la cendre. J’en fais porter au Commandant et au Capitaine Jeanpierre.
Pendant que le Capitaine Bouyssou et sa 2ème compagnie assurent la sécurité à l’ouest, le Capitaine Garrigues, le Capitaine de St Etienne et le Lieutenant Deborde (qui commande la CCB), viennent aux nouvelles…et au manioc. L’opération de Thaï Nguyen fait l’objet de commentaires acides. Le Capitaine Garrigues ne mâche pas ses mots :
- En somme toute l’armée viet est ici, et on va balader nos troupes de réserve ailleurs en espérant l’attirer ? « Ils » ne connaissent rien aux Viets ! Et avant d’évacuer Cao Bang, « ils » auraient pu au moins attendre que les Viets partent vers Thaï Nguyen, s’ils étaient assez cons pour le faire !
« Ils » c’est le Général Carpentier, un « marocain » qui a succédé au Général Salan, et qui ne s’entend pas avec le Général Alessandri, « le légionnaire », tonkinois confirmé, partisan du maintien à Cao Bang.
Le Capitaine de St Etienne, toujours distingué et flegmatique, lui réplique :
- Mon cher, ça n’est même pas une question de piège ou de manœuvre. Stien vient de nous dire que l’évacuation de Cao Bang est effectuée sur ordre du gouvernement. On a voulu occuper Thaï Nguyen pour compenser le repli de Cao Bang aux yeux de l’opinion, tout simplement.
Et le commandant de la 3ème compagnie poursuit, sarcastique :
- Et comme c’est sur ordre du gouvernement qu’on replie Cao Bang, autant dire que les Viets étaient au courant avant nous.
Dans l’après midi, la pression ennemie s’amplifie, un réglage de 81 tombe dans la cuvette. La liaison radio avec Charton est enfin établie. Son groupement est intact, il se portera demain matin à notre hauteur, sur 477, en recueil. Nous sortirons donc de Co Xa, demain 7 octobre, à l’aube, pour le rejoindre. Le BEP sera en tête.
Et coup de tonnerre, vers 17 heures, nous apprenons que les Viets sont à la source ! La source, point de passage obligé pour sortir de notre trou. La section du 8ème R.T.M qui tenait ce point-clé s’est repliée sans rendre compte devant une attaque viet montant de la vallée, aucune contre-attaque immédiate n’a donc été déclenchée. Jeanpierre ne peut y croire et m’emmène vers la source avec mon groupe de partisans. Nous sommes salués par une volée de balles dés que nous dépassons le nez d’un gros rocher. Le fait est là, la porte de sortie est fermée, à présent solidement tenue. Il faudra demain passer en force l’étroit goulet qui mène à Charton. Avec les forces adverses qui nous pressent sur nos arrières, l’évacuation des blessés devient impossible. Pédoussaut se porte volontaire, avec quelques uns de ses collègues, pour rester avec eux, les soigner et surtout les protéger des assaillants qui débouleront sur nos talons.
La sortie de demain se fera donc avec un appui aérien massif et le soutien des armes lourdes du groupement Lepage. Le Commandant Segrétain donne ses ordres, gravement. Il sait que les pertes seront sévères , que le BEP a une mission de sacrifice, que beaucoup tomberont. Mission : forcer le passage de la source A TOUT PRIX, et rejoindre Charton sur 477.
I l y a maintenant des tirs viets dans la cuvette, obus de 81, mais aussi, quelques rafales d’armes automatiques, tirées des sommets des falaises. Chacun vérifie ses armes, puis essaie de trouver un recoin à l’abri des tirs, ou il pourra prendre quelques heures de sommeil avant la bataille qui sera inévitablement très dure.
Le sergent Holland vient me voir :
- Hoï et Constant ont trouvé un passage pour sortir. Acrobatique. Par là à gauche.
Je me rends avec eux au point reconnu. Nous sommes au bord de la falaise, à pic devant nous, mais effectivement dans un angle mort par rapport aux positions viet de la source. La preuve, on ne nous tire pas dessus. Trente mètres plus bas, une étroite corniche, puis à nouveau la falaise verticale et en bas un énorme éboulis de rocher. Je me demande réellement ou est le passage.
- -Par les lianes, mon Lieutenant !
C’est on ne peut plus casse-gueule. A la rigueur un petit groupe pourrait y passer, de jour évidemment, et un par un, pour ne pas surcharger les lianes. La nuit tombe déjà, j’enregistre quand même la suggestion. On ne sait jamais…
On me réveille dans la nuit, les ordres sont modifiés. La météo sera mauvaise, il n’y aura aucun appui aérien ! Toutes les données sont encore changées. L’adversaire ne sera pas neutralisé par la chasse.
* L’opération « Phoque », visant à l’occupation de Thaï Nguyen a été déclenchée le 29 septembre, l’opération « Tiznit » (montée de Lepage vers Dong Khé) le 1er octobre, l’évacuation de Cao Bang le 3 octobre. L’opération « Phoque » à retenu deux batraillons de parachutistes, plus le GMNA, différents éléments du Génie, de Marine, et bien entendu une bonne part de l’aviation de chasse et de transport du Tonkin.
Ce texte est la propriété exclusive de son auteur et tout ou partie de celui ci ne pourra être utilisé sans l'accord express de l'auteur
© CBA Stien.
C’est donc un BEP à effectif réduit qui à l’aube emprunte le sentier qui grimpe raide vers le cirque de Co Xa. Le terrain est extraordinaire. La falaise fait jusqu’à cent mètres de haut. A mi-hauteur, le sentier débouche sur un palier ou une source claire cascade dans une vasque de rocher. Nous y rencontrons les premières troupes de Lepage, une section de mitrailleuses du 8ème RTM, armes braquées sur le sentier. Puis plus haut on arrive dans un cirque verdoyant, de 4 500 mètres de large, ceinturé et dominé de 20 à 30 mètres par des éboulis calcaires que tient le 1er Tabor. Pas ou peu de coups de feu, le soleil d’automne, une herbe rase et bien verte, l’eau abandonte et pure, le cadre est reposant, même sécurisant.
- Un vrai trou à rats, grommelle Jeanpierre, en guerrier averti.
On y est en effet en sécurité comme dans la cour d’un château fort, tant que l’adversaire n’occupe pas les remparts ou les portes ! De plus, il ne s’agit pas maintenant de tenir une forteresse, mais de rejoindre That Khé avec Charton.
Les compagnies se voient rapidement affecter un coin de repos. Pendant qu’elles s’installent, je vais avec le Commandant Segrétain et le Capitaine Jeanpierre au P.C. du Colonel Lepage. C’est un homme fatigué et inquiet que nous trouvons. Nous sommes le 6 Octobre, et il n’a toujours pas de contact radio avec la colonne Charton. Une centaine de blessés graves sont maintenant regroupés à Co Xa, la plupart des coolies ont disparu, il faudrait la moitié des forces disponibles pour assurer le brancardage ou alors les abandonner. Lepage n’a pu se résoudre à quitter la cuvette. A présent, au lieu d’assurer le recueil de Charton, il compte sur l’arrivée de celui-ci pour être recueilli. Mais la colonne Charton tarde, plus de trois jours après son départ de Cao Bang, elle n’est toujours pas en vue.
Lepage nous apprend que pendant que nous montions vers Dong Khé, une grande opération était menée dans le nord du delta, pour attirer les troupes viets paraît il. Il vient de l’apprendre. Thaï Nguyen est occupée *.
Nous revenons auprés de nos hommes, qui se recomplètent en munitions. Une boite de ration (un repas) pour deux a été distribuée, c’est le menu de la journée, plus de la moitié du parachutage de la veille est tombé chez les viets. On créve de faim…sauf au groupe de partisans qui a vite repéré dans la cuvette un petit jardin de manioc qui est resté intact depuis deux jours au milieu de centaines d’hommes affamés. On m’apporte bientôt les succulentes racines cuites sous la cendre. J’en fais porter au Commandant et au Capitaine Jeanpierre.
Pendant que le Capitaine Bouyssou et sa 2ème compagnie assurent la sécurité à l’ouest, le Capitaine Garrigues, le Capitaine de St Etienne et le Lieutenant Deborde (qui commande la CCB), viennent aux nouvelles…et au manioc. L’opération de Thaï Nguyen fait l’objet de commentaires acides. Le Capitaine Garrigues ne mâche pas ses mots :
- En somme toute l’armée viet est ici, et on va balader nos troupes de réserve ailleurs en espérant l’attirer ? « Ils » ne connaissent rien aux Viets ! Et avant d’évacuer Cao Bang, « ils » auraient pu au moins attendre que les Viets partent vers Thaï Nguyen, s’ils étaient assez cons pour le faire !
« Ils » c’est le Général Carpentier, un « marocain » qui a succédé au Général Salan, et qui ne s’entend pas avec le Général Alessandri, « le légionnaire », tonkinois confirmé, partisan du maintien à Cao Bang.
Le Capitaine de St Etienne, toujours distingué et flegmatique, lui réplique :
- Mon cher, ça n’est même pas une question de piège ou de manœuvre. Stien vient de nous dire que l’évacuation de Cao Bang est effectuée sur ordre du gouvernement. On a voulu occuper Thaï Nguyen pour compenser le repli de Cao Bang aux yeux de l’opinion, tout simplement.
Et le commandant de la 3ème compagnie poursuit, sarcastique :
- Et comme c’est sur ordre du gouvernement qu’on replie Cao Bang, autant dire que les Viets étaient au courant avant nous.
Dans l’après midi, la pression ennemie s’amplifie, un réglage de 81 tombe dans la cuvette. La liaison radio avec Charton est enfin établie. Son groupement est intact, il se portera demain matin à notre hauteur, sur 477, en recueil. Nous sortirons donc de Co Xa, demain 7 octobre, à l’aube, pour le rejoindre. Le BEP sera en tête.
Et coup de tonnerre, vers 17 heures, nous apprenons que les Viets sont à la source ! La source, point de passage obligé pour sortir de notre trou. La section du 8ème R.T.M qui tenait ce point-clé s’est repliée sans rendre compte devant une attaque viet montant de la vallée, aucune contre-attaque immédiate n’a donc été déclenchée. Jeanpierre ne peut y croire et m’emmène vers la source avec mon groupe de partisans. Nous sommes salués par une volée de balles dés que nous dépassons le nez d’un gros rocher. Le fait est là, la porte de sortie est fermée, à présent solidement tenue. Il faudra demain passer en force l’étroit goulet qui mène à Charton. Avec les forces adverses qui nous pressent sur nos arrières, l’évacuation des blessés devient impossible. Pédoussaut se porte volontaire, avec quelques uns de ses collègues, pour rester avec eux, les soigner et surtout les protéger des assaillants qui débouleront sur nos talons.
La sortie de demain se fera donc avec un appui aérien massif et le soutien des armes lourdes du groupement Lepage. Le Commandant Segrétain donne ses ordres, gravement. Il sait que les pertes seront sévères , que le BEP a une mission de sacrifice, que beaucoup tomberont. Mission : forcer le passage de la source A TOUT PRIX, et rejoindre Charton sur 477.
I l y a maintenant des tirs viets dans la cuvette, obus de 81, mais aussi, quelques rafales d’armes automatiques, tirées des sommets des falaises. Chacun vérifie ses armes, puis essaie de trouver un recoin à l’abri des tirs, ou il pourra prendre quelques heures de sommeil avant la bataille qui sera inévitablement très dure.
Le sergent Holland vient me voir :
- Hoï et Constant ont trouvé un passage pour sortir. Acrobatique. Par là à gauche.
Je me rends avec eux au point reconnu. Nous sommes au bord de la falaise, à pic devant nous, mais effectivement dans un angle mort par rapport aux positions viet de la source. La preuve, on ne nous tire pas dessus. Trente mètres plus bas, une étroite corniche, puis à nouveau la falaise verticale et en bas un énorme éboulis de rocher. Je me demande réellement ou est le passage.
- -Par les lianes, mon Lieutenant !
C’est on ne peut plus casse-gueule. A la rigueur un petit groupe pourrait y passer, de jour évidemment, et un par un, pour ne pas surcharger les lianes. La nuit tombe déjà, j’enregistre quand même la suggestion. On ne sait jamais…
On me réveille dans la nuit, les ordres sont modifiés. La météo sera mauvaise, il n’y aura aucun appui aérien ! Toutes les données sont encore changées. L’adversaire ne sera pas neutralisé par la chasse.
* L’opération « Phoque », visant à l’occupation de Thaï Nguyen a été déclenchée le 29 septembre, l’opération « Tiznit » (montée de Lepage vers Dong Khé) le 1er octobre, l’évacuation de Cao Bang le 3 octobre. L’opération « Phoque » à retenu deux batraillons de parachutistes, plus le GMNA, différents éléments du Génie, de Marine, et bien entendu une bonne part de l’aviation de chasse et de transport du Tonkin.
Ce texte est la propriété exclusive de son auteur et tout ou partie de celui ci ne pourra être utilisé sans l'accord express de l'auteur
© CBA Stien.
Dernière édition par Ramuncho le Mer 13 Oct - 9:04, édité 1 fois
Ramuncho- Messages : 650
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: Po Ma, premice de la RC4
Retranché dans les rochers, il pourrait nous ajuster à loisir lors de notre attaque, sans possibilité de nous déployer. Le Colonel Lepage décide de lancer l’attaque de nuit (il en a d’ailleurs reçu l’ordre de Lang Son). Le tir adverse sera ainsi moins meurtrier, pense-t-il. L’attaque se fera par surprise, sans l’appui des armes lourdes, aléatoire et fort risqué de nuit, dans un tel terrain.
Les unités se mettent sans bruit en place. En tête la 2 et le Peloton. Puis le P.C., la 3 et la 1ère, la CCB suivra. La mise en place a été plus longue que prévue, il est 4h30 lorsque la progression commence. Je suis la 2 avec Jeanpierre. Dans le silence absolu, j’entends distinctement la sommation d’une sentinelle viet :
- Halte là !
Et c’est le déchaînement de toutes les armes, les hurlements d’assaut, les cris de douleurs et de rage, un vacarme incroyable. Une densité de feu et d’explosions extraordinaire, que l’écho transforme en un terrifiant tonnerre. Les traceuses zèbrent la nuit tandis que le flash des grenades éclaire des ombres qui courent, tirent et s’effondrent. Les Viets résistent toujours aux assauts forcenés de la 2 et du Peloton. Jeanpierre lance la 3 et la 1ère. Le feu ne faiblit pas. Pour chaque légionnaire, il s’agit d’aller plus loin que le camarade qui est tombé devant lui. Le jour grisaille. Les compte rendus dramatiques arrivent : le Capitaine Bouyssou est tué, le Capitaine de St Etienne aussi, les pertes sont très lourdes.
Le jour est maintenant complètement levé. Les Légionnaires peuvent un peu manœuvrer, choisir le rocher de leur prochain bond, ajuster leur adversaire le plus proche et lui faire éclater la tête qui seule dépasse des rochers. Cloués au sol par un feu d’une densité inouïe, le 1ère Cie glisse vers la droite pour tenter de trouver un passage. C’est sans doute le moment pour mon groupe d’utiliser mon itinéraire d’alpiniste, à gauche. J’en informe Jeanpierre.
-Essayez. Rendez-vous à 477.
La Croix Vaubois est de la tentative. Nous empoignons les lianes et prenons pied un par un sur l’étroite corniche en contre-bas. Plaqués à la paroi, nous progressons pour trouver un emplacement favorable à la deuxième descente. Des cris résonnent au dessus de nous, des visages sombrent nous surplombent. C’est un petit groupe de tirailleurs, qui jacasse, suréxcité, en nous montrant. Tandis que nous nous laissons glisser à nouveau, suspendus à d’autres lianes, les marocains balancent leurs bardas qui nous passent au raz du nez. Une plaque de base de 81 suit, rebondissant de rocher en rocher. Ils s’allégent pour tenter d’utiliser le même chemin que nous. Quelques uns s’écraseront en bas, leur liane surchargée arrachée. Vers la source, le feu faiblit puis s’éteint. Arrivé en bas, je regroupe mon monde et j’examine le terrain. Nous sommes dans un vaste chaos de rochers , couvert d’arbustes rabougris, qu’il nous faut d’abord traverser avant d’atteindre « la vallée ». Elle est là maintenant, devant nous, large de 50 à 60 mètres. De l’autre coté, des arbustes et des bambous, qui doivent enserrer un ruisseau, puis une colline couverte d’herbe à paillote, avec une ligne de crête parallèle aux calcaires. 477 doit être sur un second mouvement de terrain, 1000 mètres au-delà.
Sur notre droite, des bruits de pierres qui roulent et des voix étouffées, on vient. Nous prenons position, prêts à tirer. Les broussailles s’agitent et je vois déboucher une vingtaine de goumiers… ainsi que le Colonel Lepage ! Ce n’est guère le moment de lui demander comment il est arrivé là, certainement pas par les lianes * Pour l’instant il s’agit de franchir les 60 mètres de découvert et de grimper la colline. Dés que les partisans sortent la tête des rochers, des rafales partent de la ligne d’arbustes en face de nous. Les Viets sont décidément partout. Mais je me dis que, dans ce fond de vallée, ce ne peut être une position établie, que nous avons seulement en face de nous, une troupe de bo-doïs en déplacement, sans doute un renfort qui se dirige vers la sortie de Co Xa. Il faut leur rentrer dedans avant qu’ils ne s’organisent et ne soient plus nombreux. Pour l’assaut, je place en vitesse mon groupe en ligne derrière les premiers rochers, et demande aux goumiers et à leur F.M. de prendre position à ma droite.
- On va faire Camerone ! me lance une voix.
Je me retourne. C’est le Colonel Lepage, Colt 45 au poing, qui s’accroupit derrière un rocher, prêt à une héroïque défense. Je suis estomaqué. On sort à peine de ce putain de cirque ou il s’est laissé cerner, qu’aux premiers coups de feu il songe encore à faire le cercle. Nous n’avons quand même pas 2.000 mexicains en face de nous, à peine une section viet…pour l’instant. Je lui réponds sèchement :
- L’objectif c’est de rejoindre la colonne Charton, mon Colonel, pas de résister sur place. Il faut passer, et rapidement.
- Vous avez raison, me dit-il avec lassitude.
A mon signal, notre feu hache les feuillages d’en face, puis on bondit immédiatement, mitraillant la lisière en courant. Les branches s’agitent, en face ça fout le camp, nous enjambons quelques cadavres de bo-doïs affalés dans le ruisseau, et je lance sans attendre mon groupe sur la pente.
-Où est Hoï ?
-Il est resté au ruisseau me, dit Constant.
Je fais stopper et j’entends quelques coups de feu mélés à des rafales de mitraillette, un M.P. 40. La mitraillette a le dessus. Hoï rejoint en trottinant :
- Il y avait encore quatre viets ! me dit-il impassible en jetant un paquet d’armes à mes pieds.
J’admire mais cette fois j’ai envie de l’engueuler, on en est plus à quelques viets prés, ni a récupérer des armes. Limportant, c’est le temps.
- Allez, on grimpe et en vitesse ! Dispersés, vous entendez, dispersés !
- On ne peut monter qu’à quatre pattes, tellement la pente est raide. Arrivés à mi-pente, une mitrailleuse nous prend à partie, tirant depuis le sommet de la falaise, preuve mathématique que nous ne sommes plus dans l’angle mort. Le feu est nourri, mais en tir fichant et à cette distance, sur notre petit groupe éclaté, il est plus impressionnant que meurtrier. Nous forçons l’allure tout en nous dispersant davantage. Le tir se reporte sur notre droite, ou la cible est plus attirante : les goumiers montent, bien serrés, comme l’instint pousse à le faire en cas de danger. Evidemment, la mitrailleuse fait mouche, quelques un tombent, les autres s’arrêtent puis refluent.
Je bascule enfin de l’autre coté de la crête, et je reprends mon souffle, tout en balayant le terrain avec mes jumelles. Je repère 477, il y a du monde dessus. Charton est là !! Notre ligne de crête y mène, par un vaste crochet.
Tandis que mes hommes se regroupent, La Croix Vaubois s’accroupit à coté de moi. On se met d’accord sur la suite :
- Surtout ne pas perdre de temps. On ne fait pas le détour pour garder la ligne de crête. On remonte simplement au nord de 200 mètres, et on descend « schuss » dans la rizière. On la traverse à découvert, mais tant pis. Ensuite grimper sur l’éperon boisé qui conduit à 477. Attention, il peut y avoir là des gens de Charton, pas de méprise. Ne pas les flinguer ni se faire flinguer par eux, les partisans resteront derrière nous. La Croix, tu fais le voltigeur de pointe ?
- OK !
L’officier de transmissions en tête, le groupe de partisans en réserve derrière moi, nous partons d’un pas rapide, étreignant nos armes, la rage au ventre, tous férocement décidés à passer sur le ventre des bo-doïs qui voudraient nous barrer la route, fussent-ils une armée. Il y a maintenant plusieurs mitrailleuses qui arrosent la pente, mais nous sommes maintenant du bon coté de la colline, seules quelques giclées mal ajustées nous passent au dessus de la tête. Puis les coups de mortiers, surtout dans la vallée et sur la pente Est, seuls quelques obus tombent sur la crête.
* Le passage de la source étant enfin ouvert le P.C Lepage est descendu vers la vallée à la suite du 1er Tabor, mais a été bloqué par un bouchon viet qui s’est rapidement formé dans la vallée, coupant le flux du groupement Lepage vers Charton. Le Colonel Lepage et sa section de protection ont alors glissé vers le sud au pied de la falaise. C’est ainsi qu’il nous a rencontré.
Ce texte est la propriété exclusive de son auteur et tout ou partie de celui ci ne pourra être utilisé sans l'accord express de l'auteur
© CBA Stien
Les unités se mettent sans bruit en place. En tête la 2 et le Peloton. Puis le P.C., la 3 et la 1ère, la CCB suivra. La mise en place a été plus longue que prévue, il est 4h30 lorsque la progression commence. Je suis la 2 avec Jeanpierre. Dans le silence absolu, j’entends distinctement la sommation d’une sentinelle viet :
- Halte là !
Et c’est le déchaînement de toutes les armes, les hurlements d’assaut, les cris de douleurs et de rage, un vacarme incroyable. Une densité de feu et d’explosions extraordinaire, que l’écho transforme en un terrifiant tonnerre. Les traceuses zèbrent la nuit tandis que le flash des grenades éclaire des ombres qui courent, tirent et s’effondrent. Les Viets résistent toujours aux assauts forcenés de la 2 et du Peloton. Jeanpierre lance la 3 et la 1ère. Le feu ne faiblit pas. Pour chaque légionnaire, il s’agit d’aller plus loin que le camarade qui est tombé devant lui. Le jour grisaille. Les compte rendus dramatiques arrivent : le Capitaine Bouyssou est tué, le Capitaine de St Etienne aussi, les pertes sont très lourdes.
Le jour est maintenant complètement levé. Les Légionnaires peuvent un peu manœuvrer, choisir le rocher de leur prochain bond, ajuster leur adversaire le plus proche et lui faire éclater la tête qui seule dépasse des rochers. Cloués au sol par un feu d’une densité inouïe, le 1ère Cie glisse vers la droite pour tenter de trouver un passage. C’est sans doute le moment pour mon groupe d’utiliser mon itinéraire d’alpiniste, à gauche. J’en informe Jeanpierre.
-Essayez. Rendez-vous à 477.
La Croix Vaubois est de la tentative. Nous empoignons les lianes et prenons pied un par un sur l’étroite corniche en contre-bas. Plaqués à la paroi, nous progressons pour trouver un emplacement favorable à la deuxième descente. Des cris résonnent au dessus de nous, des visages sombrent nous surplombent. C’est un petit groupe de tirailleurs, qui jacasse, suréxcité, en nous montrant. Tandis que nous nous laissons glisser à nouveau, suspendus à d’autres lianes, les marocains balancent leurs bardas qui nous passent au raz du nez. Une plaque de base de 81 suit, rebondissant de rocher en rocher. Ils s’allégent pour tenter d’utiliser le même chemin que nous. Quelques uns s’écraseront en bas, leur liane surchargée arrachée. Vers la source, le feu faiblit puis s’éteint. Arrivé en bas, je regroupe mon monde et j’examine le terrain. Nous sommes dans un vaste chaos de rochers , couvert d’arbustes rabougris, qu’il nous faut d’abord traverser avant d’atteindre « la vallée ». Elle est là maintenant, devant nous, large de 50 à 60 mètres. De l’autre coté, des arbustes et des bambous, qui doivent enserrer un ruisseau, puis une colline couverte d’herbe à paillote, avec une ligne de crête parallèle aux calcaires. 477 doit être sur un second mouvement de terrain, 1000 mètres au-delà.
Sur notre droite, des bruits de pierres qui roulent et des voix étouffées, on vient. Nous prenons position, prêts à tirer. Les broussailles s’agitent et je vois déboucher une vingtaine de goumiers… ainsi que le Colonel Lepage ! Ce n’est guère le moment de lui demander comment il est arrivé là, certainement pas par les lianes * Pour l’instant il s’agit de franchir les 60 mètres de découvert et de grimper la colline. Dés que les partisans sortent la tête des rochers, des rafales partent de la ligne d’arbustes en face de nous. Les Viets sont décidément partout. Mais je me dis que, dans ce fond de vallée, ce ne peut être une position établie, que nous avons seulement en face de nous, une troupe de bo-doïs en déplacement, sans doute un renfort qui se dirige vers la sortie de Co Xa. Il faut leur rentrer dedans avant qu’ils ne s’organisent et ne soient plus nombreux. Pour l’assaut, je place en vitesse mon groupe en ligne derrière les premiers rochers, et demande aux goumiers et à leur F.M. de prendre position à ma droite.
- On va faire Camerone ! me lance une voix.
Je me retourne. C’est le Colonel Lepage, Colt 45 au poing, qui s’accroupit derrière un rocher, prêt à une héroïque défense. Je suis estomaqué. On sort à peine de ce putain de cirque ou il s’est laissé cerner, qu’aux premiers coups de feu il songe encore à faire le cercle. Nous n’avons quand même pas 2.000 mexicains en face de nous, à peine une section viet…pour l’instant. Je lui réponds sèchement :
- L’objectif c’est de rejoindre la colonne Charton, mon Colonel, pas de résister sur place. Il faut passer, et rapidement.
- Vous avez raison, me dit-il avec lassitude.
A mon signal, notre feu hache les feuillages d’en face, puis on bondit immédiatement, mitraillant la lisière en courant. Les branches s’agitent, en face ça fout le camp, nous enjambons quelques cadavres de bo-doïs affalés dans le ruisseau, et je lance sans attendre mon groupe sur la pente.
-Où est Hoï ?
-Il est resté au ruisseau me, dit Constant.
Je fais stopper et j’entends quelques coups de feu mélés à des rafales de mitraillette, un M.P. 40. La mitraillette a le dessus. Hoï rejoint en trottinant :
- Il y avait encore quatre viets ! me dit-il impassible en jetant un paquet d’armes à mes pieds.
J’admire mais cette fois j’ai envie de l’engueuler, on en est plus à quelques viets prés, ni a récupérer des armes. Limportant, c’est le temps.
- Allez, on grimpe et en vitesse ! Dispersés, vous entendez, dispersés !
- On ne peut monter qu’à quatre pattes, tellement la pente est raide. Arrivés à mi-pente, une mitrailleuse nous prend à partie, tirant depuis le sommet de la falaise, preuve mathématique que nous ne sommes plus dans l’angle mort. Le feu est nourri, mais en tir fichant et à cette distance, sur notre petit groupe éclaté, il est plus impressionnant que meurtrier. Nous forçons l’allure tout en nous dispersant davantage. Le tir se reporte sur notre droite, ou la cible est plus attirante : les goumiers montent, bien serrés, comme l’instint pousse à le faire en cas de danger. Evidemment, la mitrailleuse fait mouche, quelques un tombent, les autres s’arrêtent puis refluent.
Je bascule enfin de l’autre coté de la crête, et je reprends mon souffle, tout en balayant le terrain avec mes jumelles. Je repère 477, il y a du monde dessus. Charton est là !! Notre ligne de crête y mène, par un vaste crochet.
Tandis que mes hommes se regroupent, La Croix Vaubois s’accroupit à coté de moi. On se met d’accord sur la suite :
- Surtout ne pas perdre de temps. On ne fait pas le détour pour garder la ligne de crête. On remonte simplement au nord de 200 mètres, et on descend « schuss » dans la rizière. On la traverse à découvert, mais tant pis. Ensuite grimper sur l’éperon boisé qui conduit à 477. Attention, il peut y avoir là des gens de Charton, pas de méprise. Ne pas les flinguer ni se faire flinguer par eux, les partisans resteront derrière nous. La Croix, tu fais le voltigeur de pointe ?
- OK !
L’officier de transmissions en tête, le groupe de partisans en réserve derrière moi, nous partons d’un pas rapide, étreignant nos armes, la rage au ventre, tous férocement décidés à passer sur le ventre des bo-doïs qui voudraient nous barrer la route, fussent-ils une armée. Il y a maintenant plusieurs mitrailleuses qui arrosent la pente, mais nous sommes maintenant du bon coté de la colline, seules quelques giclées mal ajustées nous passent au dessus de la tête. Puis les coups de mortiers, surtout dans la vallée et sur la pente Est, seuls quelques obus tombent sur la crête.
* Le passage de la source étant enfin ouvert le P.C Lepage est descendu vers la vallée à la suite du 1er Tabor, mais a été bloqué par un bouchon viet qui s’est rapidement formé dans la vallée, coupant le flux du groupement Lepage vers Charton. Le Colonel Lepage et sa section de protection ont alors glissé vers le sud au pied de la falaise. C’est ainsi qu’il nous a rencontré.
Ce texte est la propriété exclusive de son auteur et tout ou partie de celui ci ne pourra être utilisé sans l'accord express de l'auteur
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Dernière édition par Ramuncho le Ven 15 Oct - 9:16, édité 1 fois
Ramuncho- Messages : 650
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: Po Ma, premice de la RC4
Jonction avec la colonne Charton
La rizière est passée, nous progressons à grands pas sur l’éperon boisé, quand un petit homme en treillis nous fait de grands signes. C’est un partisan de Cao Bang. Arrive un grand Lieutenant, rasé, ganté, avec une belle gueule de soldat.
- Villard, se présente t il assez protocolairement. Commandant la 136ème CLSM * Vous êtes les premiers du BEP.
Puis, voyant nos tenues déchirées, nos mains écorchées par les épineux, les coulées de sueur sur nos visages salis et tirés de fatigue :
- Vous avez du en chier, les gars ! Vous voulez boire, manger ?
J’ai encore de l’eau, mais je n’ai plus faim. J’ai la gorge serrée par l’effort, la joie d’avoir réussi, la tristesse d’apprendre que pour l’instant nous sommes les seuls du BEP à être recueillis. Je remercie d’un geste.
- Ou est Charton ?
- Le P.C Charton est par là, sur 477, à 600 mètres d’ici. Allez y les gars ! La route est encore libre. Les Viets sont au nord et au sud.
J’arrive au P.C. Charton, je suis ahuri du spectacle. Je comprends pourquoi la colonne a été aussi lente. Autour du Colonel et de ses postes radio, plusieurs centaines de civils, hommes, femmes, vieillards, s’écrasent en serrant leur baluchon. Leur évacuation par avion a été interrompue du fait des mauvaises conditions météo et le Colonel Charton n’a pas voulu les abandonner ** Au sud et à l’ouest, assez loin, on entend les tirs de mitrailleuses et des coups de mortiers et ces malheureux pensent que c’est auprès du chef de la colonne que l’endroit est le plus sur, ils collent au P.C, terrorisés à l’idée de tomber aux mains du Viet Minh.
Je me présente au Colonel Charton, manifestement préoccupé par ses propres problèmes. Il m’indique un mamelon à l’écart, affecté au regroupement des forces Lepage. Des goumiers sont déjà arrivés en complet désordre, et il ne veut pas qu’ils apportent leur pagaille dans sa colonne. Soulagé je vois arriver des tenues camouflées. Les Lieutenant Marce et Roy, de la 3, avec leurs rescapés, suivis du Sous-Lieutenant Cornuault, claudiquant avec sa balle du Na Kéo dans la cuisse. Le Lieutenant Aubuin, de la 1ère, avec sa section presque au complet. Il a pu comme moi trouver un cheminement pendant que se déroulait l’attaque frontale de la source. Le Lieutenant Lepage, de la CCB, l’a suivi avec quelques hommes. Puis des Légionnaires en petits groupes, Carta du peloton d’éléves gradés, qui me raconte en pleurant la mort de ses camarades, les graves blessures du Lieutenant Faulques, tombé dans l’assaut. Enfin, le Commandant Segrétain, livide de souffrance et de chagrin, le Capitaine Jeanpierre.
Au fur et à mesure de leur arrivée, je questionne les rescapés.
Le combat pour enlever la position de la source a été incroyablement acharné et meutrier. On s’est fusillé à bout portant, battu sauvagement au corps à corps. Malgré d’effroyables pertes, la 2 et le peloton ont progressé mètre par mètre, vers l’objectif à conquérir à tout prix. Dans un ultime effort, les derniers hommes du peloton sont venus mourir à la source.
Mais malgré leurs pertes elles aussi considérables, les Viets tiennent encore les rochers qui surplombent la position. La 3 a chargé à son tour, la 1ère également. Malgré un feu meurtrier, les Légionnaires progressent, de rocher en rocher, rendant coup pour coup. Les viets tiennent toujours, incroyablement coriaces. C’est l’élite des deux camps qui se fusille et s’égorge. La 1ère tente un difficile débordement vers la droite, la 3 relance son assaut.
Quand les Lieutenants Roy et Marce, avec ce qui leur reste d’hommes, arrivent à quelques mètres de la source et de ses rochers, le feu ennemi fléchit puis s’éteint. Un étonnant silence s’installe, auquel personne n’ose encore croire. Incrédules, les Légionnaires survivants se redressent, quittent l’abri qu’ils venaient d’atteindre à leur dernier bond. On ne tire plus ! Les Vioets, décimés, à bout de forces et de munitions, ont cessé de résister, leurs survivants se sont repliés. Le passage est libre ! Mais il n’y a plus de BEP pour le franchir et tracer la route vers Charton !
Et soudain, venant de l’arrière, un torrent de goumiers hurlants accourt, passe la source entraînant avec lui les Légionnaires qui venaient de l’atteindre. En tête, le Lieutenant de Villeneuve entonne la « Chahada », reprise d’une voix rauque par ses goumiers qui en même temps tirent sur tous les rochers environnants et dévalent le sentier. Derrière le 1er Tabor, les éléments restant du BEP s’engagent, ainsi que le P.C Lepage, puis le reste des troupes du groupement ***
Mais les renforts viets acheminés par la vallée coupent bientôt le flux, qui bouchonne naturellement sur l’étroit sentier, tandis que des armes automatiques et des mortiers déjà en position sur le sommet des falaisesprennent à partie les éléments qui ont réussi à passer, faisant éclater les quelques unités encore constituées. Ceux qui réussiront à franchir la première crête arriveront ainsi chez Charton.
Je fais rapidement le compte des présents et je rends compte. Nous sommes 75, dont une dizaine de blessés légers. Une vingtaine d’autres Légionnaires rejoindront par la suite. C’est au Peloton et à la 2 que les pertes sont les plus lourdes. Il n’y a aucun sous-officier du Peloton, seuls quelques hommes sont parvenus jusqu’ici. Le Lieutenant Faulques est tombé prés de la source, très gravement blessé. A la 2, le Capitaine Bouyssou a été tué, de même que le Lieutenant Resner, capitaine de l’armée danoise servant à titre étranger, le Lieutenant Chauvet, blessé. Des rescapés de la 2 parvenus jusqu’ici, le Chef Gouyon est le plus haut gradé, il n’a guère qu’une douzaine de légionnaires avec lui.
* C.L.S.M Compagnie Légère de Supplétifs Militaires.
** Ce n’était en fait que l’une des raisons de la lenteur de la progression. Initialement, il était prévu que Dong Khé pris, Lepage se porte sur la RC4 à la rencontre de Charton jusqu’à Nam Nang, au kilomètre 22. Devant l’échec de Dong Khé, Charton a du quitter la RC4 et emprunter sans guide des pistes inconnues et difficiles pour contourner Dong Khé par l’ouest. De plus, les forces adverses (le TD 209) se sont portés a sa rencontre au nord-ouest de Dong Khé. Enfin, le déplacement en sûreté a été préféré à la rapidité.
*** Le 1er Tabor avait déjà quitté ses positions pour se rassembler dans la cuvette afin d’être prés à suivre le BEP après la percée. Devant la résistance forcenée des Viets et les pertes incroyablement lourdes du BEP, le Colonel Lepage a décidé de lancer à son tour le 1er Tabor à l’assaut de la source. Pendant ces préparatifs d’attaque, l’assaut du BEP continuait avec le résultat que l’on sait. C’est alors que le Lieutenant de Villeneuve, en tête du 1er Tabor, demandant au Capitaine Jeanpierre le chemin à suivre pour l’attaque se vit répondre la terrible phrase : « Suivez les cadavres du BEP ! ».
Ce n’est pas diminuer le mérite des goumiers que de dire que la résistance viet été annihilée lors de leur arrivée à la source. Déclenché plus tôt, leur rush courageux aurait sans doute, par son impétuosité, bousculé les dernières défenses viets, considérablement affaiblies par les 3 heures de combat ininterrompu avec le BEP. On peut aussi supposer que le responsable viet a également pris en compte, pour décider de son décrochage de la source, le débordement de sa position de part et d’autre, notamment au nord par la 1ère compagnie.
Ce texte est la propriété exclusive de son auteur et tout ou partie de celui ci ne pourra être utilisé sans l'accord express de l'auteur
© CBA Stien
La rizière est passée, nous progressons à grands pas sur l’éperon boisé, quand un petit homme en treillis nous fait de grands signes. C’est un partisan de Cao Bang. Arrive un grand Lieutenant, rasé, ganté, avec une belle gueule de soldat.
- Villard, se présente t il assez protocolairement. Commandant la 136ème CLSM * Vous êtes les premiers du BEP.
Puis, voyant nos tenues déchirées, nos mains écorchées par les épineux, les coulées de sueur sur nos visages salis et tirés de fatigue :
- Vous avez du en chier, les gars ! Vous voulez boire, manger ?
J’ai encore de l’eau, mais je n’ai plus faim. J’ai la gorge serrée par l’effort, la joie d’avoir réussi, la tristesse d’apprendre que pour l’instant nous sommes les seuls du BEP à être recueillis. Je remercie d’un geste.
- Ou est Charton ?
- Le P.C Charton est par là, sur 477, à 600 mètres d’ici. Allez y les gars ! La route est encore libre. Les Viets sont au nord et au sud.
J’arrive au P.C. Charton, je suis ahuri du spectacle. Je comprends pourquoi la colonne a été aussi lente. Autour du Colonel et de ses postes radio, plusieurs centaines de civils, hommes, femmes, vieillards, s’écrasent en serrant leur baluchon. Leur évacuation par avion a été interrompue du fait des mauvaises conditions météo et le Colonel Charton n’a pas voulu les abandonner ** Au sud et à l’ouest, assez loin, on entend les tirs de mitrailleuses et des coups de mortiers et ces malheureux pensent que c’est auprès du chef de la colonne que l’endroit est le plus sur, ils collent au P.C, terrorisés à l’idée de tomber aux mains du Viet Minh.
Je me présente au Colonel Charton, manifestement préoccupé par ses propres problèmes. Il m’indique un mamelon à l’écart, affecté au regroupement des forces Lepage. Des goumiers sont déjà arrivés en complet désordre, et il ne veut pas qu’ils apportent leur pagaille dans sa colonne. Soulagé je vois arriver des tenues camouflées. Les Lieutenant Marce et Roy, de la 3, avec leurs rescapés, suivis du Sous-Lieutenant Cornuault, claudiquant avec sa balle du Na Kéo dans la cuisse. Le Lieutenant Aubuin, de la 1ère, avec sa section presque au complet. Il a pu comme moi trouver un cheminement pendant que se déroulait l’attaque frontale de la source. Le Lieutenant Lepage, de la CCB, l’a suivi avec quelques hommes. Puis des Légionnaires en petits groupes, Carta du peloton d’éléves gradés, qui me raconte en pleurant la mort de ses camarades, les graves blessures du Lieutenant Faulques, tombé dans l’assaut. Enfin, le Commandant Segrétain, livide de souffrance et de chagrin, le Capitaine Jeanpierre.
Au fur et à mesure de leur arrivée, je questionne les rescapés.
Le combat pour enlever la position de la source a été incroyablement acharné et meutrier. On s’est fusillé à bout portant, battu sauvagement au corps à corps. Malgré d’effroyables pertes, la 2 et le peloton ont progressé mètre par mètre, vers l’objectif à conquérir à tout prix. Dans un ultime effort, les derniers hommes du peloton sont venus mourir à la source.
Mais malgré leurs pertes elles aussi considérables, les Viets tiennent encore les rochers qui surplombent la position. La 3 a chargé à son tour, la 1ère également. Malgré un feu meurtrier, les Légionnaires progressent, de rocher en rocher, rendant coup pour coup. Les viets tiennent toujours, incroyablement coriaces. C’est l’élite des deux camps qui se fusille et s’égorge. La 1ère tente un difficile débordement vers la droite, la 3 relance son assaut.
Quand les Lieutenants Roy et Marce, avec ce qui leur reste d’hommes, arrivent à quelques mètres de la source et de ses rochers, le feu ennemi fléchit puis s’éteint. Un étonnant silence s’installe, auquel personne n’ose encore croire. Incrédules, les Légionnaires survivants se redressent, quittent l’abri qu’ils venaient d’atteindre à leur dernier bond. On ne tire plus ! Les Vioets, décimés, à bout de forces et de munitions, ont cessé de résister, leurs survivants se sont repliés. Le passage est libre ! Mais il n’y a plus de BEP pour le franchir et tracer la route vers Charton !
Et soudain, venant de l’arrière, un torrent de goumiers hurlants accourt, passe la source entraînant avec lui les Légionnaires qui venaient de l’atteindre. En tête, le Lieutenant de Villeneuve entonne la « Chahada », reprise d’une voix rauque par ses goumiers qui en même temps tirent sur tous les rochers environnants et dévalent le sentier. Derrière le 1er Tabor, les éléments restant du BEP s’engagent, ainsi que le P.C Lepage, puis le reste des troupes du groupement ***
Mais les renforts viets acheminés par la vallée coupent bientôt le flux, qui bouchonne naturellement sur l’étroit sentier, tandis que des armes automatiques et des mortiers déjà en position sur le sommet des falaisesprennent à partie les éléments qui ont réussi à passer, faisant éclater les quelques unités encore constituées. Ceux qui réussiront à franchir la première crête arriveront ainsi chez Charton.
Je fais rapidement le compte des présents et je rends compte. Nous sommes 75, dont une dizaine de blessés légers. Une vingtaine d’autres Légionnaires rejoindront par la suite. C’est au Peloton et à la 2 que les pertes sont les plus lourdes. Il n’y a aucun sous-officier du Peloton, seuls quelques hommes sont parvenus jusqu’ici. Le Lieutenant Faulques est tombé prés de la source, très gravement blessé. A la 2, le Capitaine Bouyssou a été tué, de même que le Lieutenant Resner, capitaine de l’armée danoise servant à titre étranger, le Lieutenant Chauvet, blessé. Des rescapés de la 2 parvenus jusqu’ici, le Chef Gouyon est le plus haut gradé, il n’a guère qu’une douzaine de légionnaires avec lui.
* C.L.S.M Compagnie Légère de Supplétifs Militaires.
** Ce n’était en fait que l’une des raisons de la lenteur de la progression. Initialement, il était prévu que Dong Khé pris, Lepage se porte sur la RC4 à la rencontre de Charton jusqu’à Nam Nang, au kilomètre 22. Devant l’échec de Dong Khé, Charton a du quitter la RC4 et emprunter sans guide des pistes inconnues et difficiles pour contourner Dong Khé par l’ouest. De plus, les forces adverses (le TD 209) se sont portés a sa rencontre au nord-ouest de Dong Khé. Enfin, le déplacement en sûreté a été préféré à la rapidité.
*** Le 1er Tabor avait déjà quitté ses positions pour se rassembler dans la cuvette afin d’être prés à suivre le BEP après la percée. Devant la résistance forcenée des Viets et les pertes incroyablement lourdes du BEP, le Colonel Lepage a décidé de lancer à son tour le 1er Tabor à l’assaut de la source. Pendant ces préparatifs d’attaque, l’assaut du BEP continuait avec le résultat que l’on sait. C’est alors que le Lieutenant de Villeneuve, en tête du 1er Tabor, demandant au Capitaine Jeanpierre le chemin à suivre pour l’attaque se vit répondre la terrible phrase : « Suivez les cadavres du BEP ! ».
Ce n’est pas diminuer le mérite des goumiers que de dire que la résistance viet été annihilée lors de leur arrivée à la source. Déclenché plus tôt, leur rush courageux aurait sans doute, par son impétuosité, bousculé les dernières défenses viets, considérablement affaiblies par les 3 heures de combat ininterrompu avec le BEP. On peut aussi supposer que le responsable viet a également pris en compte, pour décider de son décrochage de la source, le débordement de sa position de part et d’autre, notamment au nord par la 1ère compagnie.
Ce texte est la propriété exclusive de son auteur et tout ou partie de celui ci ne pourra être utilisé sans l'accord express de l'auteur
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Dernière édition par Ramuncho le Sam 16 Oct - 19:48, édité 1 fois
Ramuncho- Messages : 650
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: Po Ma, premice de la RC4
A la 1ère , le Capitaine Garrigues a été tué, le Lieutenant Béchard, officier adjoint blessé. Le Lieutenant Hippert *, de la 1, touché à la jambe dans Co Xa , et a ordonné à ses légionnaires de le laisser. Le Lieutenant Aubuin est le seul officier de la 1ère parvenu jusqu’ici. A la 3, le Capitaine de Saint Etienne a été tué dans l’assaut, criblé de balles. Le Lieutenant Deborde, commandant la CCB, a aussi été tué.
Tous les rescapés ont leurs armes, mais plus guère de munitions.
Et c’est le miracle légionnaire. Nos hommes récupèrent deux F.M et des musettes chargeurs et de cartouches 7,5 que les goumiers ont laissé à terre ou leur abandonnent volontiers. En dix minutes, au milieu des autres troupes désorganisées et démoralisées, on a reformé deux sections, encadrées, dotées d’armes collectives et de leurs munitions. Le BEP, ce qu’il en reste, est redevenu opérationel, encore prêt à se battre, à remplir une mission.
On attend des ordres. Lepage est arrivé au P.C Charton vers 13 heures, prés de trois heures après que j’y sois moi-même parvenu. Il devait prendre le commandement de l’ensemble, mais il y renonce, vu la situation de son groupement.
La pression viet s’accentue autour du groupement. J’apprends la mort du Commandant Forget du II/3 REI, tué ce matin alors qu’il donnait l’assaut à une position ennemie qui barrait le chemin du sud. C’était un officier brillant et sympathique, que j’avais connu en 47 lorsqu’il commandait une compagnie portée de Légion à Foum el Hassan, dans le Sud Marocain.
L’encerclement, quoique lointain est quasi-total. On nous tire dessus de plusieurs cotés, mais ce ne sont que des tirs d’infanterie, de plus de 1.500 mètres, sans grande précision. La plupart d’entre nous restent debout. Vu l’angle en fin de trajectoire, on présente couché autant de surface qu’en station verticale. Et puis, on est trop crevé pour s’allonger, on ne pourrait plus se relever. En face de moi, Jeanpierre se plie brusquement en deux. Il se redresse doucement, le souffle coupé, en écartant les mains qu’il avait porté à son ventre. Rien. Une balle s’était écrasée sur la boucle de son ceinturon. Il reprend sa conversation. A deux mètres, un jeune Légionnaire pousse un cri de surprise en portant la main à son cou qui vient d’être traversé de part en part. Le sang ne gicle pas. Je lui fais son pansement.
- Tu peux parler ?
- Oui, merci mon Lieutenant.
Il reste debout et va converser calmement avec ses voisins. C’est cela la Légion. Jeunes et moins jeunes se veulent dignes des grands anciens, et ils le sont. La Tradition, c’est une force morale extraordinaire.
Ces tirs lointains ont une conséquence autrement grave. Les goumiers sont regroupés sur une pente. Au claquement des balles, ils courent en désordre vers l’autre versant, à l’abri du premier tir. Ils refluent ailleurs quand un autre tir les retrouve. Ce n’est plus maintenant le désordre, c’est le visage hideux de la panique. Ils courent, tournent en rond, suivant quelques hystériques devenus leurs meneurs et qui hurlent des suggestions contradictoires. Ils traversent notre position, piétinant quelques uns de nos blessés, repassent en glapissant. J’en pleure de rage. J’interpelle un de leurs officiers, qui est là, debout, regardant tristement ses guerriers courir et crier comme des enfants paniqués.
- Bon Dieu, vous allez arrêter ce bordel, non ?
- - Dans leur état on y peut plus rien, me dit il.
Et c’est vrai les goumiers sont d’excellents guerriers, et ils ont fait une guerre sensationnelle en Italie, sur ces montagnes pelées semblables à celles de leurs djebels. C’est surtout une troupe d’attaque. En Indochine, ils ont mené des assauts brillants, même mené d’admirables combats défensifs, comme au Na Kéo. Mais dans tous ces cas, les choses convenaient à leur simplicité : l’ennemi est devant, les amis derrière, on se bat de front avec des chefs qui vous ménent à la victoire. Par contre, leur moral est très vulnérable en cas d’échec. Ici, la jungle, l’encerclement, cinq jours de retraite, l’enfer de Co Xa les ont démoralisés. C’est maintenant la débandade, ils courent partout en s’appelant par parenté ou par village d’origine.
L’étau viet se resserre.
* Le Lieutenant Béchard, blessé, n’a pu rejoindre. Il sera porté disparu. Le Lieutenant Hippert est mort en captivité.
Ce texte est la propriété exclusive de son auteur et tout ou partie de celui ci ne pourra être utilisé sans l'accord express de l'auteur
© CBA Stien.
Tous les rescapés ont leurs armes, mais plus guère de munitions.
Et c’est le miracle légionnaire. Nos hommes récupèrent deux F.M et des musettes chargeurs et de cartouches 7,5 que les goumiers ont laissé à terre ou leur abandonnent volontiers. En dix minutes, au milieu des autres troupes désorganisées et démoralisées, on a reformé deux sections, encadrées, dotées d’armes collectives et de leurs munitions. Le BEP, ce qu’il en reste, est redevenu opérationel, encore prêt à se battre, à remplir une mission.
On attend des ordres. Lepage est arrivé au P.C Charton vers 13 heures, prés de trois heures après que j’y sois moi-même parvenu. Il devait prendre le commandement de l’ensemble, mais il y renonce, vu la situation de son groupement.
La pression viet s’accentue autour du groupement. J’apprends la mort du Commandant Forget du II/3 REI, tué ce matin alors qu’il donnait l’assaut à une position ennemie qui barrait le chemin du sud. C’était un officier brillant et sympathique, que j’avais connu en 47 lorsqu’il commandait une compagnie portée de Légion à Foum el Hassan, dans le Sud Marocain.
L’encerclement, quoique lointain est quasi-total. On nous tire dessus de plusieurs cotés, mais ce ne sont que des tirs d’infanterie, de plus de 1.500 mètres, sans grande précision. La plupart d’entre nous restent debout. Vu l’angle en fin de trajectoire, on présente couché autant de surface qu’en station verticale. Et puis, on est trop crevé pour s’allonger, on ne pourrait plus se relever. En face de moi, Jeanpierre se plie brusquement en deux. Il se redresse doucement, le souffle coupé, en écartant les mains qu’il avait porté à son ventre. Rien. Une balle s’était écrasée sur la boucle de son ceinturon. Il reprend sa conversation. A deux mètres, un jeune Légionnaire pousse un cri de surprise en portant la main à son cou qui vient d’être traversé de part en part. Le sang ne gicle pas. Je lui fais son pansement.
- Tu peux parler ?
- Oui, merci mon Lieutenant.
Il reste debout et va converser calmement avec ses voisins. C’est cela la Légion. Jeunes et moins jeunes se veulent dignes des grands anciens, et ils le sont. La Tradition, c’est une force morale extraordinaire.
Ces tirs lointains ont une conséquence autrement grave. Les goumiers sont regroupés sur une pente. Au claquement des balles, ils courent en désordre vers l’autre versant, à l’abri du premier tir. Ils refluent ailleurs quand un autre tir les retrouve. Ce n’est plus maintenant le désordre, c’est le visage hideux de la panique. Ils courent, tournent en rond, suivant quelques hystériques devenus leurs meneurs et qui hurlent des suggestions contradictoires. Ils traversent notre position, piétinant quelques uns de nos blessés, repassent en glapissant. J’en pleure de rage. J’interpelle un de leurs officiers, qui est là, debout, regardant tristement ses guerriers courir et crier comme des enfants paniqués.
- Bon Dieu, vous allez arrêter ce bordel, non ?
- - Dans leur état on y peut plus rien, me dit il.
Et c’est vrai les goumiers sont d’excellents guerriers, et ils ont fait une guerre sensationnelle en Italie, sur ces montagnes pelées semblables à celles de leurs djebels. C’est surtout une troupe d’attaque. En Indochine, ils ont mené des assauts brillants, même mené d’admirables combats défensifs, comme au Na Kéo. Mais dans tous ces cas, les choses convenaient à leur simplicité : l’ennemi est devant, les amis derrière, on se bat de front avec des chefs qui vous ménent à la victoire. Par contre, leur moral est très vulnérable en cas d’échec. Ici, la jungle, l’encerclement, cinq jours de retraite, l’enfer de Co Xa les ont démoralisés. C’est maintenant la débandade, ils courent partout en s’appelant par parenté ou par village d’origine.
L’étau viet se resserre.
* Le Lieutenant Béchard, blessé, n’a pu rejoindre. Il sera porté disparu. Le Lieutenant Hippert est mort en captivité.
Ce texte est la propriété exclusive de son auteur et tout ou partie de celui ci ne pourra être utilisé sans l'accord express de l'auteur
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Dernière édition par Ramuncho le Lun 18 Oct - 7:02, édité 1 fois
Ramuncho- Messages : 650
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: Po Ma, premice de la RC4
LA FIN DU BEP
Pour Charton, le groupement Lepage ne représente plus aucune valeur opérationnelle. Il avait jusqu’&lors attiré et fixé l’essentiel des forces adverses * au bénéfice de la colonne de Cao Bang qui n’a eu d’accrochage sérieux qu’à compter du 6, pour occuper 477, et aujourd’hui, 7 octobre, au sud de 477. Mais maintenant, Charton ne peut compter que sur ses propres troupes, et tous les régiments viets sont autour de lui, aussi bien ceux du front nord-est que ceux de l’ouest, prêt à l’hallali.
Le plafond est bas, aucune intervention de l’aviation n’est possible. Aucune aide, aucun renfort n’est à espérer **. Le passage en force est plus que problématique, tandis qu’attendre, rester sur place, c’est permettre à l’adversaire de resserer encore son encerclement. Le Colonel Charton, parti en reconnaissance avec le Chef d’Etat-Major de Lepage, ne revient pas (il est tombé dans une embuscade, blessé et prisonnier). Après une longue attente, due à l’incertitude sur leur sort, le Colonel Lepage se résout à prendre le commandement Les ordres sont arrêtés en fin d’après-midi. Le III/3ème REI, seule force solide et sur une position organisée, restera sur place jusqu’à minuit, tandis que Lepage tentera de passer en souplesse à travers les forces viets pour gagner 608 ou 703. Le Capitaine Labaume, du II/3ème REI de That Khé est venu s’y établir en renfort des deux goums du 11ème Tabor laissés là à l’aller de l’opération « Tiznit ». Lepage partira en colonne, avec tous les Tabors (dont le 3ème venant de Cao Bang) suivi des forces indochinoises. Le BEP a obtenu liberté de manœuvre. Segrétain et Jeanpierre estiment qu’une lourde colonne unique à moins de chance de passer que plusieurs. Elle sera plus lente et plus facilement repérable.
La nuit va bientôt tomber, Jeanpierre donne les instructions :
« Constituer des groupes de 15. Nous partirons ensemble, colonne par un, avec en tête Stien et ses partisans suivis du P.C. Se délester de tout ce qui est inutile, sacs, rechanges, couchage. Vérifier les équipements pour éviter tout bruit. En cas d’accrochage, les groupes prennent leur autonomie et s’efforceront de s’infiltrer entre les positions adverses. Que tout le monde retienne bien ceci : tous les ruisseaux et cours d’eau ménent à That Khé, qui est environ à 20 kilomètres. Il y a des éléments de recueil à 608 et 703, à l’ouest du col de Lung Phaï, à 10 kilomètres d’ici. »
Dans l’obscurité qui tombe, nous glissons en silence dans le talweg, direction le sud. En tête Hoï et Constant, puis moi-même et le reste de mon équipe, Jeanpierre, La Croix Vaubois, le Commandant Segrétain. Nous trouvons bientôt un maigre ruisseau, bordé d’un minuscule sentier, que l’on emprunte. L’obscurité est maintenant complète. Le sentier coupe puis recoupe le ruisseau, et s’écarte ensuite franchement du petit cours d’eau. Pour garder la direction, on rentre dans ce dernier, qui a grossi et a maintenant de 3 à 5 mètres de large. Nous avons de l’eau entre la cheville et le genou, selon les endroits. L’allure moyenne est lente, à cause de la nuit, de notre fatigue extrême, de la necessité de marcher en silence.
Voila trois heures que nous avançons, nous faisons une courte pause, autant pour reposer nos yeux fatigués que pour permettre à l’arrière de recoller. Nous devons à présent avoir nettement dépassé 533, laissé à notre gauche.
Nous reprenons la marche, toujours dans le lit du ruisseau, encadré maintenant par une forte végétation d’arbres et de bambous. Hoï stoppe : deux cadavres sont en travers du ruisseau. Je les tête, ils ont l’équipement de cuir des partisans alors que nos viets, ceux de la RC4, ont les équipements chinois de toile. Plus loin, un tronc d’arbre en travers du cours d’eau. Ca pue l’embuscade.
Le mot est passé doucement à l’arrière : attention, silence absolu. Je fais reprendre la progression, cette fois à l’allure de patrouille, et brusquement, à 30 métres devant, une interrogation en vietnamien. Nous nous figeons.
- il demande qui nous sommes, me souffle Hoï.
- Ne le dis pas. Demande leur qui ils sont
Ce qu’il fait. Quelques répliquent s’échangent, pendant lesquelles je fais passer de serrer contre les berges. Ama hauteur, c’est la rive droite qui offre le meilleur abri, je m’y plaque avec Hoï et Huu Hong, tandis que derrière moi, le Caporal Constant et la suite vont contre la berge gauche.
Je chuchote à Hoï :
- c’est des viets, ou des partisans ?
- Je ne sais pas mon Lieutenant, des Viets peut être.
Et en face une voix européenne nous dit, en français :
- Qui êtes vous ? Ici la Légion.
- Ici aussi c’est la Légion !
C’est Constant qui vient de répondre de la rive gauche, et immédiatement un tir violent prend la rivière d’enfilade, pendant que des grenades volent et font jaillir des geysers d’eau à nos pieds ***. Notre faible réplique, est sans effet, il y a maintenant en face un tir nourri de plusieurs armes automatiques, on entend les viets brailler des commandements, il y a du monde ! Le moment est venu d’appliquer la consigne : passer en débordant. Par la rive droite ou la rive gauche ? Pour ceux qui sont de part et d’autre du ruisseau, le feu est trop intense pour retraverser, chacun escalade sa berge. Je grimpe sur ma rive avec mes deux compagnons, et nous remontons la pente pour pouvoir ensuite contourner l’embuscade. La progression parmi les arbres, les bambous et les taillis est difficile. Il doit être deux ou trois heures du matin. On passe prés d’une cabanne d’où sortent des voix. Huu Hong colle son oreille à la porte.
- Ce sont des Viets, mon Lieutenant !
A plusieurs reprises des groupes de bo-doïs passent à coté de nous, descendant vers la rivière. Nous grimpons encore, obliquons vers le sud. Il nous faudra repasser le ruisseau plus loin pour rejoindre 608 qui doit être maintenant à peu prés à notre hauteur, ou aller vers That Khé si 608 est pris. La nuit s’éclaire à l’est, le jour arrive, mais la forêt s’anime, des troupes passent sur un sentier au dessus de nous, devant derrière, ça fourmille, nous sommes en plein milieu d’un bataillon viet. Vingt mètres plus bas, une voix autoritaire donne des ordres :
- Fouillez tout, cherchez les Français ! me traduit Huu Hong.
Nous nous écrasons sous les buissons. Un mouvement à notre droite, ce sont deux légionnaires, dont un blessé à la tête. Je les siffle doucement et les invite à se planquer. Ils nous rejoignent. Des bo-doïs passent à deux mètres de nous, s’interpellant de groupe à groupe. Ils s’éloignent. Je respire. Dans quelques minutes nous nous glisserons au sud. Quelques obus d’artillerie tombent assez loin derrière nous. Du 105 ! Un recueil nous attend ! ****
La même voix autoritaire redonne des ordres :
-Recommencez encore !
Les groupes de bo-doïs sillonnent à nouveau la colline. Des soldats viets approchent, face à nous, froissant les branches à grand bruit. Je les vois maintenant, ils sont cinq, avec leurs casques de latanier couvret de branchages, l’arme en avant, ils regardent de part et d’autre en progressant, ils ne nous ont pas encore aperçus. Nous n’avons plus que peu de munitions, mais on peut encore se farcir ceux là s’ils nous trouvent et nous échapper droit devant. Le canon de nos armes s’élévent.
- Olémin ! claque une voix derrière nous, venant d’une patrouille plus discréte.
Le pansement blanc de notre blessé nous a trahi ! Hoï m’interroge du regard, je lui fais baisser son arme. Je rage d’échouer si prés du but, mais nous n’avons aucune chance, au moindre geste nous serons mitraillés dans le dos. Prisonniers, Hoï et Huu Hong ont de bonnes chances de pouvoir s’évader *****, et je prendrai les miennes.
Mes gardiens ont les vêtements propres, la figure reposée. Ils n’ont manifestement pas été engagés de puis longtemps (sans doute une unité du TD 174). Un officier donne des instructions. On me sépare de mes compagnons et on me fait remonter vers le nord, retraverser la barrière calcaire par un chemin impossible, je suis maintenant sur le versant Est. Nous croisons des files denses de coolies, portant des caisses de munitions, du riz, des obus de 75, trottinant vers le sud.
On m’améne devant un P.C., installé dans une petite grotte, prolongée par une grande toile de tente en auvent, surchargée par des branchages. Il est fort bien équipé en matériel radio, j’aperçois plusieurs 300, un C9, et deux postes nettement plus gros, totalement inconnus, que je distingue mal dans la pénombre de l’intérieur. C’est au moins un P.C. de régiment. Peut être celui de la 308 ? Un officier viet d’une quarantaine d’année sort, tête nue, accompagné de deux subalternes déférents, et vient à moi. Il a les traits tirés par la fatigue et respire l’autorité. Je sens que nous sommes entre soldats. Je salue, et énonce simplement mon nom et mon grade.
- Vous êtes du 1er BEP ?
Il dit bien BEP, et non Bé-eu-Pé. Ma tenue camouflée est une réponse. Je la désigne :
- Comme vous le voyez.
- Je vous félicite. Votre bataillon s’est fort bien battu. Vous nous avez causé de lourdes pertes
Et il s’en va, après avoir poorté la main à la tempe, avec une légére courbette à la japonaise.
Je suis étonné de cette cxourtoisie, j’apprécie le compliment, hommage à tous ceux des nôtres qui sont tombés. Et puis, disons le, cet accueil me rassure.
La suite devait me faire rapidement déchanter. Je suis acheminé vers « l’arrière », et ma tenue camouflée me vaut un autre genre de considération : j’ai les mains attachées dans le dos et une sentinelle personnellement affectée qui me suit, le doigt sur la détente. Il me faut remettre à plus tard ma résolution de fausser compagnie à nos vainqueurs. Mais ceci est une autre histoire.
Mars 1990
* Le groupement Lepage a fixé le TD 209 pendant l’attaque et le débordement de Dong Khé, les TD 102 ,36 et 246 sur le Na Kéo, puis à Co Xa et Lung Phaï, le TD 88 (et peut être le 174) au piton Tchabrichvili.
** Lopération « Phoque » (Thaï Nguyen) est « démontée », au vu de la situation sur la RC4. Mais aucune des troupes qui la ménent ne sera disponible avant plusieurs jours. Le seul renfort sera 2 commandos (Compagnies) du 3ème B.C.C.P. renforcés par une compagnie de renfort du BEP (Lt Loth) qui seront parachutés à That Khé le 8 octobre au soir, et se porteront au-delà de Pont Bascou, en recueil…du recueil se repliant de 703.
*** C’est dans cette embuscade que fut mortellement blessé le Commandant Segrétain.
**** A cette heure là, le Capitaine Jeanpierre est recueilli par le Capitaine Labaume, à 608, ainsi que les Lieutenants Marce et Roy, et une douzaine de Légionnaires.0 Ils avaient pris rive gauche après l’embuscade.
***** Ce qu’ils réussirent tous les deux, Hoï en 51, Huu Hong en 53.
Ce texte est la propriété exclusive de son auteur et tout ou partie de celui ci ne pourra être utilisé sans l'accord express de l'auteur
© CBA Stien.
Je remercie le CBA Louis Stien pour l'aimable et fraternelle autorisation d'utilisation de son texte.
En mémoire de tous les soldats tombés sur la RC4.
Ne les oublions jamais !!
Pour Charton, le groupement Lepage ne représente plus aucune valeur opérationnelle. Il avait jusqu’&lors attiré et fixé l’essentiel des forces adverses * au bénéfice de la colonne de Cao Bang qui n’a eu d’accrochage sérieux qu’à compter du 6, pour occuper 477, et aujourd’hui, 7 octobre, au sud de 477. Mais maintenant, Charton ne peut compter que sur ses propres troupes, et tous les régiments viets sont autour de lui, aussi bien ceux du front nord-est que ceux de l’ouest, prêt à l’hallali.
Le plafond est bas, aucune intervention de l’aviation n’est possible. Aucune aide, aucun renfort n’est à espérer **. Le passage en force est plus que problématique, tandis qu’attendre, rester sur place, c’est permettre à l’adversaire de resserer encore son encerclement. Le Colonel Charton, parti en reconnaissance avec le Chef d’Etat-Major de Lepage, ne revient pas (il est tombé dans une embuscade, blessé et prisonnier). Après une longue attente, due à l’incertitude sur leur sort, le Colonel Lepage se résout à prendre le commandement Les ordres sont arrêtés en fin d’après-midi. Le III/3ème REI, seule force solide et sur une position organisée, restera sur place jusqu’à minuit, tandis que Lepage tentera de passer en souplesse à travers les forces viets pour gagner 608 ou 703. Le Capitaine Labaume, du II/3ème REI de That Khé est venu s’y établir en renfort des deux goums du 11ème Tabor laissés là à l’aller de l’opération « Tiznit ». Lepage partira en colonne, avec tous les Tabors (dont le 3ème venant de Cao Bang) suivi des forces indochinoises. Le BEP a obtenu liberté de manœuvre. Segrétain et Jeanpierre estiment qu’une lourde colonne unique à moins de chance de passer que plusieurs. Elle sera plus lente et plus facilement repérable.
La nuit va bientôt tomber, Jeanpierre donne les instructions :
« Constituer des groupes de 15. Nous partirons ensemble, colonne par un, avec en tête Stien et ses partisans suivis du P.C. Se délester de tout ce qui est inutile, sacs, rechanges, couchage. Vérifier les équipements pour éviter tout bruit. En cas d’accrochage, les groupes prennent leur autonomie et s’efforceront de s’infiltrer entre les positions adverses. Que tout le monde retienne bien ceci : tous les ruisseaux et cours d’eau ménent à That Khé, qui est environ à 20 kilomètres. Il y a des éléments de recueil à 608 et 703, à l’ouest du col de Lung Phaï, à 10 kilomètres d’ici. »
Dans l’obscurité qui tombe, nous glissons en silence dans le talweg, direction le sud. En tête Hoï et Constant, puis moi-même et le reste de mon équipe, Jeanpierre, La Croix Vaubois, le Commandant Segrétain. Nous trouvons bientôt un maigre ruisseau, bordé d’un minuscule sentier, que l’on emprunte. L’obscurité est maintenant complète. Le sentier coupe puis recoupe le ruisseau, et s’écarte ensuite franchement du petit cours d’eau. Pour garder la direction, on rentre dans ce dernier, qui a grossi et a maintenant de 3 à 5 mètres de large. Nous avons de l’eau entre la cheville et le genou, selon les endroits. L’allure moyenne est lente, à cause de la nuit, de notre fatigue extrême, de la necessité de marcher en silence.
Voila trois heures que nous avançons, nous faisons une courte pause, autant pour reposer nos yeux fatigués que pour permettre à l’arrière de recoller. Nous devons à présent avoir nettement dépassé 533, laissé à notre gauche.
Nous reprenons la marche, toujours dans le lit du ruisseau, encadré maintenant par une forte végétation d’arbres et de bambous. Hoï stoppe : deux cadavres sont en travers du ruisseau. Je les tête, ils ont l’équipement de cuir des partisans alors que nos viets, ceux de la RC4, ont les équipements chinois de toile. Plus loin, un tronc d’arbre en travers du cours d’eau. Ca pue l’embuscade.
Le mot est passé doucement à l’arrière : attention, silence absolu. Je fais reprendre la progression, cette fois à l’allure de patrouille, et brusquement, à 30 métres devant, une interrogation en vietnamien. Nous nous figeons.
- il demande qui nous sommes, me souffle Hoï.
- Ne le dis pas. Demande leur qui ils sont
Ce qu’il fait. Quelques répliquent s’échangent, pendant lesquelles je fais passer de serrer contre les berges. Ama hauteur, c’est la rive droite qui offre le meilleur abri, je m’y plaque avec Hoï et Huu Hong, tandis que derrière moi, le Caporal Constant et la suite vont contre la berge gauche.
Je chuchote à Hoï :
- c’est des viets, ou des partisans ?
- Je ne sais pas mon Lieutenant, des Viets peut être.
Et en face une voix européenne nous dit, en français :
- Qui êtes vous ? Ici la Légion.
- Ici aussi c’est la Légion !
C’est Constant qui vient de répondre de la rive gauche, et immédiatement un tir violent prend la rivière d’enfilade, pendant que des grenades volent et font jaillir des geysers d’eau à nos pieds ***. Notre faible réplique, est sans effet, il y a maintenant en face un tir nourri de plusieurs armes automatiques, on entend les viets brailler des commandements, il y a du monde ! Le moment est venu d’appliquer la consigne : passer en débordant. Par la rive droite ou la rive gauche ? Pour ceux qui sont de part et d’autre du ruisseau, le feu est trop intense pour retraverser, chacun escalade sa berge. Je grimpe sur ma rive avec mes deux compagnons, et nous remontons la pente pour pouvoir ensuite contourner l’embuscade. La progression parmi les arbres, les bambous et les taillis est difficile. Il doit être deux ou trois heures du matin. On passe prés d’une cabanne d’où sortent des voix. Huu Hong colle son oreille à la porte.
- Ce sont des Viets, mon Lieutenant !
A plusieurs reprises des groupes de bo-doïs passent à coté de nous, descendant vers la rivière. Nous grimpons encore, obliquons vers le sud. Il nous faudra repasser le ruisseau plus loin pour rejoindre 608 qui doit être maintenant à peu prés à notre hauteur, ou aller vers That Khé si 608 est pris. La nuit s’éclaire à l’est, le jour arrive, mais la forêt s’anime, des troupes passent sur un sentier au dessus de nous, devant derrière, ça fourmille, nous sommes en plein milieu d’un bataillon viet. Vingt mètres plus bas, une voix autoritaire donne des ordres :
- Fouillez tout, cherchez les Français ! me traduit Huu Hong.
Nous nous écrasons sous les buissons. Un mouvement à notre droite, ce sont deux légionnaires, dont un blessé à la tête. Je les siffle doucement et les invite à se planquer. Ils nous rejoignent. Des bo-doïs passent à deux mètres de nous, s’interpellant de groupe à groupe. Ils s’éloignent. Je respire. Dans quelques minutes nous nous glisserons au sud. Quelques obus d’artillerie tombent assez loin derrière nous. Du 105 ! Un recueil nous attend ! ****
La même voix autoritaire redonne des ordres :
-Recommencez encore !
Les groupes de bo-doïs sillonnent à nouveau la colline. Des soldats viets approchent, face à nous, froissant les branches à grand bruit. Je les vois maintenant, ils sont cinq, avec leurs casques de latanier couvret de branchages, l’arme en avant, ils regardent de part et d’autre en progressant, ils ne nous ont pas encore aperçus. Nous n’avons plus que peu de munitions, mais on peut encore se farcir ceux là s’ils nous trouvent et nous échapper droit devant. Le canon de nos armes s’élévent.
- Olémin ! claque une voix derrière nous, venant d’une patrouille plus discréte.
Le pansement blanc de notre blessé nous a trahi ! Hoï m’interroge du regard, je lui fais baisser son arme. Je rage d’échouer si prés du but, mais nous n’avons aucune chance, au moindre geste nous serons mitraillés dans le dos. Prisonniers, Hoï et Huu Hong ont de bonnes chances de pouvoir s’évader *****, et je prendrai les miennes.
Mes gardiens ont les vêtements propres, la figure reposée. Ils n’ont manifestement pas été engagés de puis longtemps (sans doute une unité du TD 174). Un officier donne des instructions. On me sépare de mes compagnons et on me fait remonter vers le nord, retraverser la barrière calcaire par un chemin impossible, je suis maintenant sur le versant Est. Nous croisons des files denses de coolies, portant des caisses de munitions, du riz, des obus de 75, trottinant vers le sud.
On m’améne devant un P.C., installé dans une petite grotte, prolongée par une grande toile de tente en auvent, surchargée par des branchages. Il est fort bien équipé en matériel radio, j’aperçois plusieurs 300, un C9, et deux postes nettement plus gros, totalement inconnus, que je distingue mal dans la pénombre de l’intérieur. C’est au moins un P.C. de régiment. Peut être celui de la 308 ? Un officier viet d’une quarantaine d’année sort, tête nue, accompagné de deux subalternes déférents, et vient à moi. Il a les traits tirés par la fatigue et respire l’autorité. Je sens que nous sommes entre soldats. Je salue, et énonce simplement mon nom et mon grade.
- Vous êtes du 1er BEP ?
Il dit bien BEP, et non Bé-eu-Pé. Ma tenue camouflée est une réponse. Je la désigne :
- Comme vous le voyez.
- Je vous félicite. Votre bataillon s’est fort bien battu. Vous nous avez causé de lourdes pertes
Et il s’en va, après avoir poorté la main à la tempe, avec une légére courbette à la japonaise.
Je suis étonné de cette cxourtoisie, j’apprécie le compliment, hommage à tous ceux des nôtres qui sont tombés. Et puis, disons le, cet accueil me rassure.
La suite devait me faire rapidement déchanter. Je suis acheminé vers « l’arrière », et ma tenue camouflée me vaut un autre genre de considération : j’ai les mains attachées dans le dos et une sentinelle personnellement affectée qui me suit, le doigt sur la détente. Il me faut remettre à plus tard ma résolution de fausser compagnie à nos vainqueurs. Mais ceci est une autre histoire.
Mars 1990
* Le groupement Lepage a fixé le TD 209 pendant l’attaque et le débordement de Dong Khé, les TD 102 ,36 et 246 sur le Na Kéo, puis à Co Xa et Lung Phaï, le TD 88 (et peut être le 174) au piton Tchabrichvili.
** Lopération « Phoque » (Thaï Nguyen) est « démontée », au vu de la situation sur la RC4. Mais aucune des troupes qui la ménent ne sera disponible avant plusieurs jours. Le seul renfort sera 2 commandos (Compagnies) du 3ème B.C.C.P. renforcés par une compagnie de renfort du BEP (Lt Loth) qui seront parachutés à That Khé le 8 octobre au soir, et se porteront au-delà de Pont Bascou, en recueil…du recueil se repliant de 703.
*** C’est dans cette embuscade que fut mortellement blessé le Commandant Segrétain.
**** A cette heure là, le Capitaine Jeanpierre est recueilli par le Capitaine Labaume, à 608, ainsi que les Lieutenants Marce et Roy, et une douzaine de Légionnaires.0 Ils avaient pris rive gauche après l’embuscade.
***** Ce qu’ils réussirent tous les deux, Hoï en 51, Huu Hong en 53.
Ce texte est la propriété exclusive de son auteur et tout ou partie de celui ci ne pourra être utilisé sans l'accord express de l'auteur
© CBA Stien.
Je remercie le CBA Louis Stien pour l'aimable et fraternelle autorisation d'utilisation de son texte.
En mémoire de tous les soldats tombés sur la RC4.
Ne les oublions jamais !!
Ramuncho- Messages : 650
Date d'inscription : 15/02/2009
Re: Po Ma, premice de la RC4
merci mon ami, merci pour nous, mais surtout merci à eux, Français par le sang versé, hommes sans noms de la Légion, héros pour toujours parmi nous
Po Ma Premice de la RC 4
Merci a toi RAMUNCHO,d'avoir ecrit tout cela,beaucoup de travail,mais passionnant et interessant,beaucoup de détails ,pour ma part,j'ai appris encore sur la RC4,merci a la CBA LOUIS STIEN de t'autoriser a nous faire lire cela.Amitiés.
Gibert j- Invité
Re: Po Ma, premice de la RC4
Bonsoir,
Après avoir fait beaucoup de recherches sur mon "nom de famille asiatique" je suis tombé sur cette page et je pense que le Sergent Huu Hong pourrait être mon grand-père, il s'appelait Joseph. Nous n'avons que très peu d'informations sur sa famille, ses enfants n'ont connu ni tantes ni oncles ni cousins. Apparemment il est né de l'union d'un français ( mon arrière grand-père donc) et d'une vietnamienne et qu'il a été en suite abandonné et qu'il a grandi en Indochine. Aujourd'hui je porte le nom de famille de l'arrière grand-père bien que je puisse aussi porter le nom asiatique. Le nom asiatique est Do Huu Hong mais je ne trouvais pas ce nom sur google et j'ai donc limité à Huu Hong. Je sais que mon grand-père a fait cette guerre, a été enlevé et a été torturé ( on m'a toujours dit que c'était les Japonais ) et qu'il s'est enfin évadé. Apparemment ça colle avec ce récit. Je me dis que c'est peut-être/sûrement lui dont il s'agit et ce serait exceptionnel ! Je ne l'ai personnellement pas connu, il est décédé d'un arrêt cardiaque quelques mois avant ma naissance en 1989.
Peut-etre que cela pourrait me permettre d'en savoir plus sur lui ( ce récit est déjà vraiment énorme en soi ) s'il s'avère que c'est bien lui.
Je possède quelques photos de lui, en voilà deux :
https://2img.net/r/ihimg/photo/my-images/710/scan10007x.jpg/
https://2img.net/r/ihimg/photo/my-images/402/scan10019re.jpg/
Après avoir fait beaucoup de recherches sur mon "nom de famille asiatique" je suis tombé sur cette page et je pense que le Sergent Huu Hong pourrait être mon grand-père, il s'appelait Joseph. Nous n'avons que très peu d'informations sur sa famille, ses enfants n'ont connu ni tantes ni oncles ni cousins. Apparemment il est né de l'union d'un français ( mon arrière grand-père donc) et d'une vietnamienne et qu'il a été en suite abandonné et qu'il a grandi en Indochine. Aujourd'hui je porte le nom de famille de l'arrière grand-père bien que je puisse aussi porter le nom asiatique. Le nom asiatique est Do Huu Hong mais je ne trouvais pas ce nom sur google et j'ai donc limité à Huu Hong. Je sais que mon grand-père a fait cette guerre, a été enlevé et a été torturé ( on m'a toujours dit que c'était les Japonais ) et qu'il s'est enfin évadé. Apparemment ça colle avec ce récit. Je me dis que c'est peut-être/sûrement lui dont il s'agit et ce serait exceptionnel ! Je ne l'ai personnellement pas connu, il est décédé d'un arrêt cardiaque quelques mois avant ma naissance en 1989.
Peut-etre que cela pourrait me permettre d'en savoir plus sur lui ( ce récit est déjà vraiment énorme en soi ) s'il s'avère que c'est bien lui.
Je possède quelques photos de lui, en voilà deux :
https://2img.net/r/ihimg/photo/my-images/710/scan10007x.jpg/
https://2img.net/r/ihimg/photo/my-images/402/scan10019re.jpg/
MaximeB- Messages : 2
Date d'inscription : 29/05/2011
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