Encore un pas

Bonjour,

Vous moquez pas hein, c'est sans prétention littéraire ou historique :

Encore un peu mon vieux, encore un, juste un pas de plus.
Ne te laisses pas aller, marche, marche ou crève.
Tiens c’est marrant ça. Cette expression qui ne la connait pas ?
Bah tu vois mon vieux maintenant, elle prend tout son sens.
Marche mon vieux pote, marche mon frère ou tu vas crever.
Oh mais moi je ne vais pas te laisser crever.
Tu m’as presque porté après la chute, les premiers jours de la marche.
Sans toi, mon copain, je serais mort sur le bord de la piste, j’étais trop fatigué, au bout du rouleau.
Tu m’as donné, chaque soir ma boule de riz cuite, grains par grains, comme un oiseau le fait pour son petit.
Maintenant c’est toi qui flanche, c’est toi qui veux t’arrêter là et attendre le coup de grâce du bo doi.
Alors moi je vais t’aider, ce soir je ferais cuir ta ration dans notre casque puis je te forcerais à la manger, on va y mettre le temps qu’il faut mais tu mangeras camarade, je te le promets.
Il nous ont enchainé l’un à l’autre, comme des bêtes, mais on est pas des bêtes pas vrai ?
Tu sais, il me reste mon alliance, dans le col de ma chemise.
Je sais que contre elle un des garde me donnera un bout de banane...je vais l’échange ce soir, tu vas voir, ça va te faire du bien.
C’est bon la banane, ça te changera du riz.
Puis si on le temps, j’irais voir le toubib, tu sais l’espagnol de la 13, celui qu’était infirmier, il est dans le groupe avant le nôtre.
Il parait qu’il connait des trucs à base de plantes.
On va la guérir ta chiasse mon poto.
Te bile pas.
Tu as vu ?
La jungle change, hier on a passé un col, on doit pu être loin.
Les viets marchent plus vite, sont plus joyeux...on touche au but mon frère.
La frontière et la chine...tu vas voir on va être aux petits oignons là-bas.
Un camp, un vrai avec un hôpital et des médecins.
Tu sais les officiers sont partis devant.
Sans doute pour préparer le camp et l’hosto.
Il y aura des baraquements, une cuisine, une cantine, des feuillets, p’tes même une bibliothèque.
On va être soignés, vont nous requinquer pour nous rendre dans quelques jours frais et dispos.
Il y a des gars, des gendarmes, qui disent que la guerre est finie, que les cocos vont nous rendre aux notre d’ici quelques jours.
Allez, encore un pas mon vieux, on arrive.
Non, non, t’endors pas, redresse toi.
Appuis toi là.
Tu sais quoi ?
Je vais te raconter ce que je vais faire en rentrant.
Hein ?
Toi et moi on ira chez moi, sur le Côte, je te présenterais ma frangine, tu verras elle est bath.
Avec nos soldes en retard, les indemnités et tout ça, on sera des nababs !
On va se faire un gueuleton chez Lulu...p’tes même qu’on va avoir une médaille ou une promotion.
Parait qu’on s’est bien battu, que les journaux ont parlé de nous...
Moi je vais acheter la dernière Renault, une caravelle, tu l’a vu aux actualités ?
Non, non, marche, marche on arrive, on arrive.
Regardes, les viets s’arrêtent, ils disent aux gars de s’assoir.

1Ecoutes, écoutes le commissaire va faire un discours.
P’tes que la guerre est finie, que les hélicos vont venir nous chercher.
Dis tu entends ? Il dit qu’on est arrivé ?!
Le camp est là...ce n’est pas possible hein ? Il rigole ? Il n’y a rien, rien que la jungle. Ca ne peut pas être là !
Hein, il dit ça pour se moquer de nous ?
Dis ?
Tu pleures ?
On va mourir hein mon pote ?
C’est fini, on va crever dans ce trou à rats.
Tout ça pour en arriver là...dis...Eh t’es mort ? Hé, attends...c’est quoi ton nom mon pote ?

Bonjour,

Très émouvant ce texte.
Merci de nous l'avoir présenté et félicitations pour cette composition qui remue les tripes et rappelle le calvaire enduré par nos anciens dans les camps viets.

cordialement,
Antoine.